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Richard H. Hart : Dans le Microcosme
lundi 8 juillet 2024, par
Mais qui est Richard H. Hart ? Bonne question. Je ne peux pas en dire grand chose. Il aurait publié quatre nouvelles et quatre lettres dans Weird tales de 1932 1932 à 1939 1939 et travaillé sur les œuvres de Edgar allan Poe, au moins jusqu’en 1941 1941 . Il est possible qu’il s’agisse de Richard Harry Hart (1908 1908 -2007 2007 ) [1]. Malheureusement, ce sont les seules informations que j’ai trouvées.
Fielding a vécu plusieurs minutes d’horreur totale sur la table du microscope du professeur Obermann.
J’ai rencontré pour la première fois le professeur Konrad Obermann il y a deux ans. À cette époque, il était employé comme témoin expert dans une affaire que j’étudiais, une affaire qui reposait sur les résultats d’une observation microscopique très délicate. Ce qui m’impressionna le plus à l’époque, fut la façon dont il anticipait souvent mes questions, presque comme s’il était capable de lire dans mes pensées.
Son témoignage m’a permis d’obtenir gain de cause et nous sommes devenus très amis. C’est-à-dire qu’il semblait assez amical, et je respectais et admirais son intelligence et son savoir, même si, d’une manière ou d’une autre, je ne pouvais pas me résoudre à avoir une confiance totale en ses qualités morales. A son invitation, je passai plusieurs soirées dans son appartement, fumant des pipes de tabac doux et discutant avec lui de philosophie et de ses cousines gauchères, de métaphysique, d’alchimie et d’astrologie.
Je fis un soir une remarque fortuite sur l’âme, et Obermann me rattrapa aussitôt.
— L’âme, savez-vous quelle est la taille d’une âme ? demanda-t-il.
J’admis que je n’étais pas informé sur le sujet.
— Bah, dit-il, on parle de grandes âmes, mais au moins un millier d’entre elles pourraient danser sur la pointe d’une épingle, comme les anges dont discutaient les fanatiques du Moyen Âge.
— Vous parlez avec beaucoup d’assurance, répondis-je, pris de cours.
— Oui, dit-il sur un ton provocateur. Mais attendez. Si vous venez ici demain soir, je vous le prouverai. viendrez-vous ?
Malgré l’improbabilité de sa déclaration, il était manifestement sérieux, et je le quittai avec la promesse souriante de revenir à l’heure qu’il avait mentionnée.
***
J’allai à ce rendez-vous le lendemain soir, mais si j’avais eu une connaissance quelconque à l’avance du résultat de ma visite, j’aurais été à des kilomètres de là, courant dans la direction opposée.
Le professeur Obermann ne m’avait pas encore montré son laboratoire, bien qu’il donna directement sur le salon où nous avions l’habitude de tenir nos discussions amicales. C’était une pièce simple, nue, scrupuleusement soignée, ne contenant rien d’autre que deux chaises, une table en métal émaillé contenant un microscope composé et deux ou trois autres instruments, un support de lames de verre et un gros appareil que je reconnus comme un Projecteur à rayons Roentgen.
Après m’avoir suivi, Obermann ferma soigneusement la porte derrière lui.
— Il n’y a pas grand-chose à voir, n’est-ce pas ? remarqua-t-il. Mais attendez : vous allez en avoir plein les yeux.
— Je l’espère, répondis-je. C’est pour cela que je suis ici.
— Bien, dit-il. Avant de commencer, il y a certaines choses que je dois expliquer. Vous connaissez le principe du stereopticon, je suppose ?
— Cette sorte de lanterne magique qui projette sur un écran l’image d’un objet opaque ? Oui.
— Bien. Mais peut-être serez-vous surpris d’apprendre que j’ai développé un appareil à utiliser conjointement avec les rayons X, dont la projection n’est pas simplement une image, mais une véritable reproduction en miniature de l’objet lui-même. Cela semble impossible, mais je l’ai fait.
— C’est simplement que j’utilise une lumière d’une puissance si énorme qu’elle est suffisamment puissante pour capter un certain nombre d’ions de chaque atome de l’objet et les transférer vers un écran, où ils sont bien sûr réassemblés dans le bon ordre par le cristal. C’est peut-être trompeur de dire une reproduction en miniature ; j’aurais mieux fait de dire « micro-miniature », puisqu’elle n’est visible qu’à travers un microscope puissant.
Le professeur me regarda d’un air interrogateur.
— Je pense que je vous suis, répondis-je à sa question tacite, même si je ne sais pas si je vous crois ou non.
— Voir, c’est croire, répondit sentencieusement Obermann, et vous verrez bientôt.
Il ferma un interrupteur et le tube Crookes du projecteur à rayons X brilla de sa lumière irréelle. Après quelques instants d’ajustement de son microscope et d’un autre dispositif de lentilles et de miroirs, il annonça qu’il était prêt. Il sortit une clé de sa poche et la posa sur une lame de verre entre le projecteur et le premier objectif.
— Observez attentivement cette clé, conseilla-t-il. Maintenant, venez regarder au microscope.
J’obéis et pus distinguer la clé, son image ou sa reproduction, dans le champ du microscope.
— Je la vois, dis-je, mais je ne peux pas dire que cela prouve quoi que ce soit, sauf que vous avez projeté une image inhabituellement petite.
— Bien ! rétorqua Obermann. Et maintenant ?
Il ouvrit brusquement l’interrupteur de l’appareil à rayons X ; la lumière dans le tube s’éteignit.
— Regardez à nouveau, ordonna-t-il.
Je regardai dans le microscope et j’eus le souffle coupé. La clé était toujours visible ! Bien que la lumière qui avait produit l’image fut éteinte, elle était toujours là. Mais je refusai d’y croire.
— C’est une sorte d’hallucination, déclarai-je .
— Votre doute a la vie dure, répondit Obermann avec un sourire assez bizarre, mais je pense que je peux y mettre un coup d’arrêt très rapidement. Attendez ici un instant.
Il quitta la pièce et revint presque instantanément avec un petit chiot noir.
— Voici Fritz, dit-il. Il n’aura qu’un mois demain, mais je pense que son ego est suffisamment développé pour notre objectif. Nous le saurons bientôt.
Il plaça le chiot sur la table et régla ses lentilles, éloignant ainsi le projecteur à rayons Roentgen. Puis il ferma l’interrupteur et le tube Crookes brilla à nouveau. Il regarda à travers le microscope, fit d’autres réglages de l’appareil et revint à l’oculaire. Cette fois, il sourit avec un plaisir évident. Il me fit signe de prendre l’instrument.
— Regardez, dit-il.
Je pouvais voir clairement le chiot, mais cela n’avait rien de nouveau et je lui dit.
Le professeur se contenta de sourire et d’ouvrir l’interrupteur du projecteur à rayons Roentgen ; une fois de plus, la lumière du tube disparut. Je retournai à l’oculaire du microscope et je vis que l’image du chiot était toujours là.
— Continuez à regarder, réprimanda Obermann d’un ton étrange et préoccupé.
Je regardai dans l’oculaire. Aussi incroyable que cela paraisse, l’image du chiot bougeait. Il remuait la queue. Il se mordit la patte antérieure comme s’il cherchait une puce. C’était vivant.
— Mon Dieu, Obermann, haletai-je en me détournant du microscope, si ceci n’est pas une illusion ᠆ une fraude quelconque ᠆ vous avez fait plus que projeter une reproduction miniature ! Vous avez projeté la vie elle-même !
Obermann sourit avec complaisance.
— Le principe vital, s’il vous plaît, dit-il. Certains l’appellent l’ego, d’autres l’âme, bien que peu admettent que les animaux ont une âme. Regardez le chiot.
Je le regardai et en eu le souffle coupé. Le petit animal gisait inerte sur la table, les membres étendus, les yeux fixes et aveugles. Je retournai au microscope et je vis ce qui semblait être le même chiot plein de vie, fouillant, courant après sa queue. C’était trop !
Je me tournai vers Obermann et le regardai dans les yeux. Il sembla relever le défi et me rendit mon regard.
— Vous devez être le diable, dis-je. Dites-moi, qu’avez-vous fait à cet animal ?
— C’est assez simple, répondit-il en soutenant mon regard. J’ai projeté une reproduction miniature de son corps – chair, os, organes, tout – avec mon appareil. J’ai projeté son principe de vie dans cette reproduction avec mon esprit. Je pourrais faire la même chose avec vous.
— Non, non ! Non, vous ne le ferez pas ! m’écriai-je, m’efforçant de détacher mes yeux de son regard.
Mais je n’y parvins pas et je fus pris de panique.
La pièce, la table, l’appareil, Obermann lui-même, disparurent. Je ne voyais rien d’autre que ces yeux terribles, vert pâle, parcourus d’étincelles glacées. Puis eux aussi disparurent.
***
Lorsque je repris conscience de l’existence, ce fut pour me retrouver dans un désert blanc apparemment illimité. Aussi loin que pouvait porter mon regard, il y avait un désert monotone de collines de silex, sans sable, ni terre, ni végétation d’aucune sorte. Comment j’étais arrivé là, je ne pouvais pas l’imaginer, mais la solitude de l’endroit me terrorisait l’âme. Je me levai et partis en trébuchant à la recherche d’un endroit plus hospitalier.
Alors que je commençais à me lasser de gravir les collines pierreuses, il m’arriva de jeter un coup d’œil vers le haut. Je regardai à nouveau, je m’arrêtai complètement et je m’assis brusquement. Il n’y avait aucun nuage visible et, même si tout autour de moi était aussi lumineux qu’en plein midi, il n’y avait pas de soleil dans le ciel.
C’était au-delà de l’entendement, et je laissai tomber ma tête dans mes mains et m’efforçais de réfléchir. Où étais-je ? Comment étais-je arrivé là ?
Mais cela ne donna rien. Je découvris que je ne me souvenais même pas de mon nom. J’étais juste moi : un homme perdu dans un désert sans limites et hostile, sans aucun souvenir du passé et sans perspective d’avenir autre que la mort causée par la faim et la soif. Ces deux sensations étaient bien réelles ; elles me poussèrent à me relever et je trébuchai.
En regardant à nouveau vers le haut, je vis que l’air que j’avais cru vide était plein de petites créatures pas plus grosses que mon pouce, flottant sans but. Elles étaient presque transparents et de formes variées. Certaines d’entre elles ressemblaient à des vers en spirale, d’autres à des méduses, tandis que quelques-unes ressemblaient à des graines de pissenlit animées par des voiles déployées pour capter la légère brise. L’une d’elles se posa sur mon avant-bras et je la brossai pour découvrir qu’elle était presque en apesanteur. Je décidai finalement qu’elles étaient inoffensives et je n’y prêtai plus attention.
Pendant peut-être une demi-heure, je marchai péniblement sur les durs monticules.
— Cigarettes et allumettes, ou je ne m’appelle pas John Fielding ! M’écriai-je et me mis immédiatement à fumer.
Ce n’est que lorsque ma cigarette fut à moitié consumée que je réalisai que j’avais prononcé mon propre nom. J’étais donc John Fielding ; J’étais heureux de retrouver la mémoire, du moins dans cette mesure. Mais je ne me souvenais de rien d’autre.
Je commençais à être très las, lorsque du haut d’un monticule j’aperçus un petit animal. Je m’en approchai avec précaution et je fus soulagé de constater qu’il n’était pas vivant. Il avait à peu près la taille d’un poulet de six semaines, mais sans ailes et doté de plusieurs pattes ressemblant à celles d’un insecte. Sa tête était petite et séparée de son corps. Il avait des mandibules cruelles et une lèvre supérieure en forme de pipe.
— C’est comme une puce, très agrandie, me dis-je.
Le mot « agrandie » réveilla une autre corde sensible dans ma mémoire. Cela avait quelque chose à voir avec ma situation actuelle, j’en étais sûr, mais le lien n’était pas clair. J’abandonnai finalement le problème et je continuai.
Il n’y avait aucun changement dans le terrain dur et accidenté, et sa monotonie était épouvantable. Je me couchai enfin et fermai les yeux ; autant pour exclure le paysage désolé qu’autre chose. Pendant que j’étais allongé là, j’essayai de réfléchir, de me souvenir. Je pris conscience que je cherchais quelqu’un avec un nom allemand, mais le nom m’échappa.
Soudain, il y eut un aboiement et un bruit de piétinement, tout près. Je me levai d’un bond et ouvris les yeux à temps pour voir un gros animal noir se précipiter sur moi. Je bondis sur le côté, juste au moment où il galopait devant moi sur ses quatre pattes maladroites.
Il s’arrêta alors et s’accroupit, me regardant de ses yeux ronds bleus. Apparemment satisfait de mon apparence, il sortit une grande langue rose et se mit à haleter d’une manière professionnelle. Cela me convainquit qu’il devait s’agir d’une sorte de chien, même si je n’avais jamais entendu parler d’un chien faisant le dixième de sa taille.
— Beau chien, dis-je en tendant une main conciliante.
Je fus récompensé par le fait qu’il saute sur moi et me renverse. Il était sur moi avant que je puisse me lever, et je le regardai avec horreur ouvrir ses mâchoires et la bave couler de sa gueule.
Mais il se contenta de me lécher le visage. J’en déduisis qu’il ne me voulait aucun mal et que c’était seulement un jeu. Rassuré, je me relevai et grimpai sur son dos en me tenant droit grâce à ses longs poils rêches. Je lui donnai des coups de talons dans les flancs et il partit au trot. « Peut-être, » pensais-je, « cela me sortirait de ce désert. »
J’avançai régulièrement pendant ce qui me sembla très long, sans rencontrer de changement appréciable dans le paysage. Au moment où je recommençais à désespérer, mon étrange coursier grimpa sur un monticule légèrement plus haut que les autres, et j’aperçus au loin ce qui semblait être une montagne de quelque substance transparente ressemblant à du verre.
C’était un hémisphère parfait, sa section plate formant la base, et semblait avoir au moins un demi-mile de hauteur. Des lumières opalescentes jouaient sur sa surface, donnant l’illusion d’un mouvement continu, même si elle était parfaitement immobile. Je me dirigeai vers lui et descendis de ma monture à sa base. En le touchant de la main, je constatai que ce n’était pas dur, comme je m’y attendais, mais plutôt élastique.
Poursuivant mes expériences, je le poussai d’un index curieux lorsque ma main perça soudainement la surface et mon bras plongea dans la substance jusqu’au coude. Le retirant précipitamment, je découvris qu’il était mouillé de quelque chose qui, après enquête, s’avéra être de l’eau.
Heureusement, je plongeai les deux bras à travers la surface élastique et, avec mes mains en coupe, je prélevai une quantité d’eau que je bus goulûment. Je répétai l’opération jusqu’à ce que ma soif fut entièrement satisfaite.
Il me vint alors à l’esprit que mon drôle de destrier pouvait aussi avoir soif, et j’en tirai une autre double poignée d’eau et la lui offris. Il essaya de me l’arracher des mains, mais sa langue était trop grosse pour cela. Soudain, il chargea directement sur la montagne transparente.
Sa tête et ses épaules percèrent la surface sous l’impulsion de sa course. La montagne trembla et, sentant le désastre, je m’apprêtai à fuir.
Mais c’était trop tard. Avant d’avoir fait deux pas, j’étais emporté à une vitesse effroyable. Les eaux couvrirent ma tête.
— C’est la faute d’Obermann ! pensai-je avant de perdre connaissance.
***
En ouvrant les yeux, je me retrouvai assis sur une chaise, avec le microscopiste penché sur moi. Au-delà de lui se trouvaient le projecteur à rayons X et d’autres appareils qu’il utilisait dans ses expériences.
— Désolé ! dis-je. J’ai dû m’endormir. Je viens de faire un rêve terrible.
Obermann sourit légèrement.
— Racontez-moi.
Je décrivis en détail mes pérégrinations dans le désert blanc, ce que j’avais vu et vécu, pour terminer par le récit de ma terrifiante mésaventure en relation avec la montagne transparente.
Le sourire d’Obermann s’élargit, triomphant.
— Vos expériences n’ont pas été un rêve, déclara-t-il. Elles se sont déroulées dans ce que j’ai plaisir à appeler le microcosme : ce monde qui est si infiniment petit qu’il ne peut être vu qu’à travers le plus puissant des microscopes composés.
« Le désert blanc dont vous parlez, poursuivit-il, n’était ni plus ni moins que le dessus de cette table émaillée de blanc. Comme tout microscopiste le sait, rien n’est vraiment fluide. Regardez !
Docilement, je regardai à travers l’oculaire et je frissonnai. Alors que je revoyais ce paysage monotone mais familier, un frisson d’horreur courut le long de ma colonne vertébrale.
— Le petit animal dont vous avez parlé était une puce, continua Obermann, et le plus gros, le chiot, Fritz. La raison pour laquelle il paraissait si grand en comparaison avec vous était due à la différence de focalisation de l’objectif à travers lequel vous étiez tous deux projetés. J’aurais pu agrandir votre propre projection, tout aussi facilement.
— La ’montagne transparente’ que vous avez rencontrée n’était qu’une petite goutte d’eau, presque trop petite pour être vue à l’œil nu. Malheureusement, sa surface a été brisée par le chiot. Si vous ne vous étiez pas souvenu de moi au moment critique, me permettant ainsi de rétablir le rapport et de ramener votre âme dans votre propre corps, vous auriez très probablement été noyé. Une fin des plus malheureuses pour une brillante expérience.
Je me levai, tremblant de colère.
— Voulez-vous me dire, demandai-je, que mon âme a été transférée par vous dans une petite image formée comme les autres, et que j’aurais bien pu me noyer dans cette goutte d’eau ?
Obermann sourit, ayant manifestement mal interprété mon émotion.
— C’est tout à fait cela, dit-il. Vous avez eu une évasion très heureuse.
Un voile rouge tomba sur mes yeux et mon poing se dirigea vers Obermann. Il l’attrapa à la pointe du menton et il tomba comme une masse.
À la porte, je me retournai pour un dernier mot.
— Ce crochet du droit ne vous a peut-être pas plongé dans votre ’microcosme’, dis-je, mais je parie que vous vous sentez un peu plus petit !
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[1] D’après les informations fournies par The Edgar Allan Poe Society of Baltimore.