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Saki : La musique sur la colline
jeudi 21 juillet 2022, par
Auteur : Saki
Saki
Saki est le nom de plume de Hector Hugh Munro (18 décembre 1870 – 13 novembre 1916) connu aussi sous la signature de H.H. Munro. Né le 18 décembre 1870 à Akyab, en Birmanie, il est mort au combat le 13 novembre 1916 à Beaumont-Hamel, dans la Somme en France.
Un seul de ses romans est identifié par ISFDB comme relevant des littératures de l’imaginaire.
( Hector Hugh Munro. 18 décembre 1870
1870
– 13 novembre 1916
Titre français : La musique sur la colline
Titre original : The music on the hill (1914 1914 )
Éditeur : Gloubik éditions (Coll. Ebooks gratuits)
Année de parution : 2022 2022
Mon avis : Cette nouvelle de Hector Hugh Munro (18 décembre 1870
1870
– 13 novembre 1916), véritable nom de Saki
Saki
Saki est le nom de plume de Hector Hugh Munro (18 décembre 1870 – 13 novembre 1916) connu aussi sous la signature de H.H. Munro. Né le 18 décembre 1870 à Akyab, en Birmanie, il est mort au combat le 13 novembre 1916 à Beaumont-Hamel, dans la Somme en France.
Un seul de ses romans est identifié par ISFDB comme relevant des littératures de l’imaginaire.
, a été publiée pour la première fois en 1911
1911
dans son recueil intitulé « The Chronicles of Clovis ».
J’ai découvert ce texte dans une copie numérique du numéro de septembre 1955
1955
de The Magazine of Fantasy and Science Fiction. Elle a connu deux éditions en français :
• Fiction n°47 (1957
1957
)
• Les Chefs-d’œuvre du crime, ( éd. PLANÈTE, coll. Les Chefs-d’œuvre — 1965
1965
)
Bien qu’ayant à ma disposition Les Chefs-d’œuvre du crime, j’ai préféré en faire ma propre traduction. D’abord pour comparer mon travail de traduction d’amateur avec celui d’éditeurs professionnels et, ensuite, pour pouvoir la mettre à votre disposition, que vous puissiez vous faire votre opinion sur l’œuvre de cet écrivain.
Pour ma part, si l’histoire de cette nouvelle me plait plus que celle de la septième poule, je trouve sa chute un peu faible. Il lui manque un petit quelque chose pour que je l’approuve pleinement et qu’elle me donne envie de lire d’autres nouvelles de cet écrivain plutôt méconnu en 2022 2022 . Qu’est-ce que je lui reproche ? alors que la situation dramatique est bien amenée, le drame, lui est bouclé en deux temps, trois mouvements. C’est décevant. Quoiqu’il en soit, je vous invite à la lire et à vous faire votre propre opinion.
En voici le texte dans son intégralité :
Sylvia Seltoun prit son petit déjeuner dans la salle du matin à Yessney avec un agréable sentiment de victoire finale, tel qu’un Ironside fervent aurait pu se le permettre le lendemain d’un combat à Worcester. Elle n’était guère pugnace par tempérament, mais appartenait à cette classe de combattants qui réussissent le mieux et qui sont pugnaces par circonstance. Le destin avait voulu que sa vie soit occupée par une série de petites luttes, généralement avec des chances légèrement contre elle, et habituellement elle avait réussi à s’en sortir victorieuse.
Et maintenant, elle avait le sentiment d’avoir mené à bien son combat le plus difficile et certainement le plus important : épouser Mortimer Seltoun – « Mortimer le mort » comme l’appelaient ses ennemis les plus intimes – en dépit de l’hostilité froide de sa famille et de l’indifférence dont il faisait preuve à l’égard des femmes. C’était en effet un exploit qui avait nécessité une certaine détermination et de l’habileté pour le mener à bien. Hier, elle avait mené sa victoire à son terme en arrachant son mari à la ville et à son groupe de points d’eau satellites et en l’« installant », selon le vocabulaire de ses semblables, dans ce manoir isolé, bordé de bois, qui était sa maison de campagne.
— Tu ne feras jamais partir Mortimer, avait dit sa mère d’un ton chagrin, mais s’il y va une fois, il restera. Yessney l’envoûtera presque autant que la ville. On peut comprendre ce qui le retient à… la ville, mais Yessney.
Et la douairière avait haussé les épaules.
Il y avait à Yessney une sauvagerie sombre, qui n’était certainement pas susceptible de plaire aux goûts des citadins, et Sylvia, en dépit de son nom, n’était habituée à rien de plus sylvestre que le « Kensington verdoyant ».
Elle considérait la campagne comme quelque chose d’excellent et de sain à sa façon, mais qui pouvait devenir gênant si on l’encourageait trop. La méfiance à l’égard de la vie urbaine était une chose nouvelle pour elle, née de son mariage avec Mortimer, et elle avait observé avec satisfaction l’évanouissement progressif de ce qu’elle appelait « le regard de Jermyn-Street » dans ses yeux lorsque les bois et les bruyères de Yessney s’étaient rapprochés d’eux hier soir.
Sa volonté et sa stratégie l’avaient emporté : Mortimer resterait.
Devant les fenêtres de la salle du matin se trouvait une pente triangulaire de gazon, que l’indulgent pourrait appeler une pelouse, et au-delà de sa haie basse de buissons de fuchsia négligés, une pente plus raide de bruyère et de fougère descendait dans des combes caverneuses envahies de chênes et d’ifs. Dans cette nature ouverte et sauvage, il semblait y avoir un lien furtif entre la joie de vivre et la terreur des choses invisibles.
Sylvia souriait complaisamment tandis qu’elle regardait le paysage avec une appréciation digne d’une école d’art, puis, tout à coup, elle frissonna presque.
— C’est très sauvage, dit-elle à Mortimer, qui l’avait rejointe. On pourrait presque penser que dans un tel endroit le culte de Pan n’a jamais vraiment disparu.
— Le culte de Pan ne s’est jamais éteint, dit Mortimer. D’autres dieux plus récents ont attiré ses adorateurs de temps à autre, mais il est le dieu de la nature auquel tous doivent revenir en fin de compte. On l’a appelé le père de tous les dieux, mais la plupart de ses enfants sont mort-nés.
Sylvia était croyante d’une manière honnête, vaguement dévotionnelle, et n’aimait pas entendre parler de ses beautés comme de simples excroissances, mais c’était au moins quelque chose de nouveau et d’encourageant d’entendre le Mort Mortimer parler avec autant d’énergie et de conviction sur n’importe quel sujet.
— Vous ne croyez pas vraiment à Pan ? demanda-t-elle, incrédule.
— J’ai été un imbécile dans la plupart des choses, dit Mortimer tranquillement, mais je ne suis pas un imbécile au point de ne pas croire en Pan quand je suis ici-bas. Et si tu es sage, tu ne le croiras pas trop vite quand tu seras dans son pays.
Ce n’est qu’une semaine plus tard, lorsque Sylvia eut épuisé les attraits des promenades dans les bois autour de Yessney, qu’elle se risqua à inspecter les bâtiments de la ferme. Une cour de ferme lui évoquait une scène de joyeuse agitation, avec des barattes et des fléaux, des laitières souriantes et des attelages de chevaux buvant jusqu’aux genoux dans des étangs remplis de canards. Alors qu’elle se promenait parmi les maigres bâtiments gris de la ferme du manoir de Yessney, sa première impression fut celle d’un calme et d’une désolation écrasants, comme si elle était tombée sur une ferme isolée et abandonnée depuis longtemps aux hiboux et aux toiles d’araignée. Puis vint un sentiment d’hostilité furtive et vigilante, la même ombre de choses invisibles qui semblait se cacher dans les combes et les taillis. Derrière les lourdes portes et les fenêtres à volets, on entendait le bruit agité d’un sabot ou le râle d’un licou, et parfois le mugissement étouffé d’une bête à l’arrêt. D’un coin éloigné, un chien hirsute l’observait avec des yeux inamicaux. Lorsqu’elle s’approchait, il se glissait tranquillement dans sa niche, et ressortait aussi silencieusement après son passage. Quelques poules, qui cherchaient de la nourriture sous un râteau, s’enfuirent sous une porte à son approche. Sylvia avait l’impression que si elle avait rencontré des êtres humains dans ce désert de granges et d’étables, ils auraient fui comme un spectre devant son regard. Enfin, en tournant rapidement un angle de bâtiment, elle tomba sur un être vivant qui ne la fuyait pas. Étendue dans une mare de boue se trouvait une énorme truie, gigantesque au-delà des calculs les plus fous de l’homme de la ville en matière de chair de porc, et prompte à réagir et, si nécessaire, à repousser cette intrusion inattendue. C’était au tour de Sylvia de se retirer discrètement. Alors qu’elle passait devant des cours, des étables et de longs murs vides, elle sursauta soudainement en entendant un son étrange : l’écho d’un rire de garçon, doré et équivoque. Jan, le seul garçon employé à la ferme, un péquenaud au visage de sorcier, était visiblement à l’œuvre dans un champ de pommes de terre à mi-chemin sur le flanc de la colline la plus proche, et Mortimer, interrogé, ne connaissait aucun autre auteur probable ou possible de la moquerie cachée qui avait troublé la retraite de Sylvia. Le souvenir de cet écho introuvable s’ajoutait à ses autres impressions d’un sinistre et furtif « quelque chose » qui traînait à Yessney.
Elle ne vit que très peu Mortimer. la ferme, les bois et les ruisseaux à truites semblaient l’engloutir de l’aube au crépuscule. Une fois, en suivant la direction qu’elle l’avait vu prendre le matin, elle arriva à un espace ouvert dans un bosquet de noisetiers, encore plus fermé par de grands ifs, au centre duquel se trouvait un piédestal en pierre surmonté d’une petite figure en bronze représentant un jeune Pan. C’est un bel ouvrage, mais son attention est surtout retenue par le fait qu’une grappe de raisin fraîchement coupée a été déposée en offrande à ses pieds. Les raisins n’étaient pas très abondants au manoir, et Sylvia arracha rageusement la grappe du piédestal. Une contrariété méprisante dominait ses pensées tandis qu’elle se promenait lentement vers la maison, puis elle fit place à un sentiment aigu de quelque chose qui était très proche de la peur. À travers un épais enchevêtrement de broussailles, le visage d’un garçon la dévisageait, brun et beau, avec des yeux indiciblement mauvais. Il était sur un petit chemin solitaire – tous les chemins autour de Yessney étaient solitaires d’ailleurs – et elle s’élança sans attendre pour examiner de plus près cette apparition soudaine. Ce n’est qu’après avoir atteint la maison qu’elle s’aperçut qu’elle avait laissé tomber la grappe de raisin dans sa fuite.
— J’ai vu aujourd’hui un jeune homme dans le bois, dit-elle à Mortimer le soir même, brun de visage et d’allure un peu gauche, mais un vaurien à n’en pas douter. Un gitan, je suppose.
— Une théorie raisonnable, dit Mortimer, mais il n’y a pas de gitans dans ces régions pour le moment.
— Alors qui était-il ? demanda Sylvia.
Et comme Mortimer ne semblait pas avoir de théorie propre, elle passa au récit de sa découverte de l’offrande votive.
— Je suppose que c’est vous qui l’avez fait, observa-t-elle. C’est une pointe de folie inoffensif, mais les gens vous trouveraient terriblement stupide s’ils le savaient.
— Vous y avez touché de quelque façon ? demanda Mortimer.
— J’ai… j’ai jeté les raisins. Cela semblait si stupide, dit Sylvia, observant le visage impassible de Mortimer à la recherche d’un signe de contrariété.
— Je ne pense pas que vous ayez été sage de faire cela, dit-il d’un air réfléchi. J’ai entendu dire que les Dieux du Bois sont plutôt horribles pour ceux qui les molestent.
— Horribles peut-être pour ceux qui croient en eux, mais vous voyez que je n’y crois pas, rétorqua Sylvia.
— Tout de même, dit Mortimer de son ton égal et impartial, à votre place, j’éviterais les bois et les vergers, et j’éviterais les bêtes à cornes de la ferme.
Tout cela était absurde, bien sûr, mais dans cet endroit solitaire, entouré de bois, l’absurde semblait capable d’élever une couvée bâtarde de malaises.
— Mortimer, dit soudain Sylvia, je pense que nous retournerons bientôt en ville.
Sa victoire n’avait pas été aussi complète qu’elle l’avait supposé. Elle l’avait entraîné sur un terrain qu’elle était déjà impatiente de quitter.
— Je ne pense pas que vous retournerez jamais en ville, dit Mortimer.
Il semblait paraphraser la prédiction de sa mère en ce qui le concernait.
Sylvia nota avec mécontentement et un certain mépris de soi que le cours de sa promenade de l’après-midi suivant la conduisit instinctivement à l’écart du réseau de bois. Quant au bétail à cornes, l’avertissement de Mortimer n’était guère nécessaire, car elle l’avait toujours considéré, au mieux, comme d’une neutralité douteuse. Son imagination désexualisait les vaches laitières les plus matrones et les transformait en taureaux susceptibles de « voir rouge » à tout moment. Le bélier qui paissait dans l’étroit enclos situé au-dessous des vergers, elle l’avait jugé, après une longue et prudente période d’essai, d’un tempérament docile. Aujourd’hui, cependant, elle avait décidé de ne pas mettre sa docilité à l’épreuve, car la bête, habituellement tranquille, errait avec tous les signes d’agitation d’un coin à l’autre de son pré. Un gazouillis grave et ininterrompu, comme celui d’une flûte de roseau, provenait du fond d’un taillis voisin, et il semblait y avoir un lien subtil entre la démarche agitée de l’animal et la musique sauvage provenant du bois. Sylvia tourna ses pas dans une direction ascendante et grimpa les pentes couvertes de bruyères qui s’étendaient au-dessus de Yessney. Elle avait laissé les notes de cornemuse derrière elle, mais à travers les combes boisées à ses pieds, le vent lui apportait un autre type de musique, les aboiements des chiens en pleine chasse. Yessney était juste à la périphérie du pays du Devon et du Somerset, et les cerfs chassés venaient parfois par là. Sylvia put bientôt voir un corps sombre, franchissant colline après colline, et s’enfonçant de plus en plus hors de vue à mesure qu’il traversait les combes, tandis que derrière lui s’élevait régulièrement ce chœur implacable, et elle se crispa avec la sympathie excitée que l’on ressent pour toute chose chassée dont la capture ne nous intéresse pas directement. Enfin, il franchit la ligne la plus externe de chênes et de fougères et se tenait debout, haletant, à découvert : un gros cerf de septembre portant une tête bien fournie. Son parcours évident était de descendre vers les mares brunes d’Undercombe, et de là de se diriger vers le sanctuaire favori du cerf rouge, la mer. À la surprise de Sylvia, cependant, il tourna la tête vers la pente des hautes terres et s’avança résolument sur la bruyère. « Cela va être terrible », pensa-t-elle, « les chiens vont l’abattre sous mes yeux ». Mais la musique de la meute semblait s’être éteinte pour un moment, et à sa place, elle entendit de nouveau ce gazouillis sauvage, qui s’élevait tantôt de ce côté, tantôt de l’autre, comme s’il poussait le cerf défaillant à un dernier effort. Sylvia se tenait bien à l’écart de son chemin, à moitié cachée dans une épaisse végétation de buissons, et le regardait se balancer raide vers le haut, les flancs noirs de sueur, les poils grossiers de son cou laissant apparaître la lumière par contraste. La musique de cornemuse retentit soudainement autour d’elle, semblant provenir des buissons à ses pieds, et au même moment, la grande bête se retourna et fonça directement sur elle. En un instant, sa pitié pour l’animal chassé se changea en une terreur sauvage face à son propre danger. Les épaisses racines de bruyère se moquaient de ses efforts de fuite et elle regardait frénétiquement vers le bas pour apercevoir les chiens qui arrivaient.
Les énormes pointes de bois étaient à quelques mètres d’elle, et dans un éclair de peur, elle se souvint de l’avertissement de Mortimer, de se méfier des bêtes à cornes dans la ferme. Puis, dans un élan de joie, elle vit qu’elle n’était pas seule. Une silhouette humaine se tenait à quelques pas de là, enfoncée jusqu’aux genoux dans les buissons.
— Chassez-le ! cria-t-elle. Mais la silhouette ne fait aucun mouvement pour répondre.
Les bois lui arrivaient droit sur la poitrine, l’odeur âcre de l’animal chassé était dans ses narines, mais ses yeux étaient remplis de l’horreur de ce qu’elle voyait autre chose que sa mort prochaine. Et dans ses oreilles résonnait l’écho du rire d’un garçon, doré et équivoque.