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La Guerre au Vingtième Siècle : le conflit Australo-Mozambiquois

samedi 16 novembre 2013, par Denis Blaizot

Cette version du texte de Robida est la plus ancienne. Publiée une première fois dans le numéro 200 (27 Octobre 1883 1883 ) de La Caricature, elle connut une nouvelle vie quand, en 1916 H. Beraldi pris l’initiative de la réédité chez Dorbon-Ainé. Cette publication est complétée d’un passage de La vie électrique (chapitre VII).

Le texte et les illustrations ci-dessous sont ceux de l’édition 1916.


Le conflit Australo-Mozambiquois

Faits de guerre et opérations chimiques

Les temps nouveaux sont venus, l’ancien ordre de choses établi par la vieille Europe s’est écroulé en même temps que l’antique dominatrice du monde. L’Europe, ravagée par la monomanie guerrière de ses peuplades, a laissé échapper de ses mains séniles le sceptre du monde, que les peuples vigoureux et sains des jeunes continents se préparent à ramasser.

La lutte aujourd’hui est entre l’Afrique nouvelle débordante de sève, exubérante de jeunesse, et l’Australie adolescente.

L’Amérique, fille de l’Europe, comme celle-ci l’était de la grande aïeule l’Asie, l’Amérique vieillie, est dès à présent rejetée hors de la lice ; l’avenir est aux nations constituées dans les vastes territoires de l’Australie ou sur les terres presque vierges de la grande Afrique, par le mélange de cent races diverses, fondues pour ainsi dire à nouveau dans le creuset de la nature.

L’Afrique et l’Australie viennent de se disputer les armes à la main le sceptre du monde, dans un premier choc qui a remué le continent africain du Cap de Bonne-Espérance aux lacs Nyandza et Tanganyika, ensanglanté les rivages du Mozambique, les vagues de la mer des Indes et les nuées courant au-dessus des plaines mozambiquoises ou australiennes.

C’est un résumé fidèle des terribles événements de la grande guerre australo-mozambiquoise que nous allons condenser en quelques pages, en accompagnant notre récit d’un certain nombre de croquis recueillis sur les champs de bataille terriens, aériens ou sous-marins, tant par des témoins oculaires dignes de foi que par nous-même, qui avons eu l’honneur de faire toute la campagne en qualité d’aide- de-camp volontaire du colonel-général des Torpilleurs du Mozambique et qui, pour notre belle conduite, avons été, six fois en trois semaines, porté à l’ordre du jour.

Causes de la guerre

Tout a changé depuis que le siècle dernier a clos l’ère de l’ignorance et de la barbarie. Autrefois, chez les anciens peuples du petit coin de terre encore appelé Europe sur les cartes, on ne guerroyait guère qu’entre voisins limitrophes ou peu éloignés. Pas de points de contact, pas de motifs de guerre et surtout aucun moyen pour la faire quand bien même on eût voulu.

La Science rapprochant les distances, écartant les obstacles, coupant les isthmes et perforant les montagnes, a créé des points de contact entre les peuples les plus éloignés et permis toutes communications amicales ou autres. Immense progrès !

Plus de barrières ! Plus de séparations ! Mais, des relations commerciales ou financières des peuples entre eux, naquirent des motifs de guerre tout à fait nouveaux. Les peuples ne luttent plus maintenant pour des motifs frivoles et quelquefois chevaleresques, comme la protection de quelque faible ami ou la défense de principes de liberté, mais bien pour des raisons sérieuses, solides,le plus souvent sonnantes, telles que traités de commerce avantageux, ouvertures de marchés, faveurs douanières, spéculations de Bourse et règlement de comptes financiers.

La guerre australo-mozambiquoise n’a pas d’autre origine qu’un immense coup de Bourse. Profitant des embarras momentanés de la grande nation africaine qui venait de compléter à grands frais son réseau de chemins de fer et de livrer à la circulation 800.000 kilomètres nouveaux, sans parler de l’énorme essor donné aux autres travaux publics, un groupe de banquiers australiens a, par d’habiles manœuvres, causé une panique à la Bourse de Mozambico-Ville et acheté une colossale quantité’ de rentes 2 1/2 pour 100 à 35,75. L’opération faite, le gouvernement australien, intéressé dans la combinaison et agissant au nom du syndicat, demanda, par la voie diplomatique, le remboursement de ces rentes au pair, ce qui devait produire pour lui un bénéfice de 18 milliards et demi.

La réclamation australienne suscita dans toute l’Afrique un légitime mouvement d’indignation. Le 15 avril 19ï5, le président de la république répondit par un refus formel et convoqua immédiatement les Chambres à Livingstonia, la capitale politique de la grande république sud-africaine, assise dans une forte position, à la pointe extrême du lac Tanganyika.

17 avril 1975 1975 . - A partir de ce jour les événements vont marcher vite. Deuxième note australienne.

L’Australie reprend sa réclamation des 18 milliards et soulève une autre question. Le Parlement mozambiquois ayant, quelques années auparavant, élevé des droits sur les marchandises importées d’Australie, en vue d’empêcher l’écrasement des marchés africains, est sommé d’avoir à supprimer complètement ces droits.

L’Australie donne trois jours au Mozambique pour répondre et prévient qu’un refus sera considéré comme un casus belli.

18 avril. -Appel sous les drapeaux de tous les hommes en état de porter les armes. Les contribuables mozambiquois sont invités à payer trois années d’impôts d’avance.

— Qu’est-ce que la Patrie ?

— C’est l’endroit où l’on paie ses contributions.

La meilleure patrie doit être celle où l’on paie le moins en argent ou en service militaire. Malheureusement plus on va, plus on paie des deux façons. Nous craignons fort que l’homme du XXIe siècle ne soit tourmenté par les collecteurs ou par les recruteurs de la patrie depuis le sevrage jusqu’à 70 ans sonnés, âge auquel on le mettra dans la réserve.

Ce sont là de légers inconvénients de la civilisation. Dans les siècles barbares, au temps des armées de 20.000 hommes, on était quitte à meilleur marché. Tout augmente, la consommation de chair humaine comme les autres contributions.

Les Mozambiquois ne murmurèrent pas. Six mois auparavant, pour réclamer une toute petite liberté gênée par un ministre, ils avaient fait une révolution. Cette fois, au premier appel, ils se rendirent comme un seul homme dans les bureaux des contributions et de l’impôt en nature ou recrutement.

19 avril. - Revue, à Livingstonia, des troupes de l’armée active. Appel et mobilisation de tuus les chimistes du territoire.

Revue, à Mozambico-Ville, des quatre divisions de torpilleurs.

20 avril. - Réponse de la république sud-africaine à la république australienne. Les réclamations australiennes sont nettement repoussées et la revision des tarifs douaniers refusée.

L’ambassadeur australien se retire sur un ballon de guerre de l’escadre australienne, C’est la guerre, on n’attend plus que la déclaration officielle.

Le Mozambique se prépare, avec énergie, à soutenir la lutte, Il a pleine confiance dans ses forces. Un système de torpilles bien combiné défend ses côtes et le Zambèze, son grand fleuve, contre l’attaque des forces navales sous-marines de l’Australie. Impossibilité absolue, pour les navires ennemis. de franchir les passes pour opérer un débarquement, sans se heurter à trois lignes de torpilles très peu espacées.

Tout est préparé pour repousser une attaque sous-marine et submerger les assaillants. Une attaque aérienne aurait malheureusement plus de chances ; tous les militaires savent à quel degré l’imprévu entre dans les combinaisons de la guerre aérienne. Comment prévoir à l’avance l’endroit précis d’une descente et comment, ce point même deviné, y porter suffisamment de forces pour s’opposer avec efficacité à la descente, sans dégarnir un autre point sur lequel l’adversaire pourra précipiter son escadre volante ?

Et justement, les flottes aériennes de l’Australie ont été, dans ces derniers temps, portées à un haut degré de puissance, et elles sont commandées par des ingénieurs du plus grand mérite.

Grand conseil de guerre

L’ingénieur maréchal Blick, commandant en chef les forces mozambiquoises, ce vieux guerrier courbé par soixante-cinq années d’études, a réuni dans son laboratoire, à bord du ballon amiral le Ravageur, tous les chefs de l’armée : l’ingénieur général des railways militaires, l’énergique Ballister, le docteur Clakson, commandant en chef des escadres aériennes, le général Turpin, commandant en chef l’armée de terre, vieille moustache blanchie dans cent combats, le colonel ingénieur Barbarigo, commandant les perforateurs, le général ingénieur Coloquintos, commandant en chef les torpilleurs de ligne, volants, souterrains et sous-marins, enfin l’ingénieur Eugène, commandant les chimistes mobilisés .

Après trois heures de discussion secrète, le plan de défense, dès longtemps préparé par le grand ingénieur maréchal Blick, a été adopté, sauf légères modifications de détail, et les ingénieurs sont partis à toute vitesse pour prendre leur postes à la tête des troupes.

21 avril. - L’escadre légère aérienne, renforcée par tous les avisos et coureurs aériens disponibles, est partie pour une croisière d’observation. Au large, une escadrille, composée des ballons coureurs les plus légers, a dû gagner les côtes d’Australie pour suivre les préparatifs de l’ennemi.

La plus grande activité règne dans les arsenaux. La mobilisation des troupes de railway s’est opérée avec une précision extraordinaire ; en 13 heures 45 minutes, tous les contingents étaient arrivés à leurs postes avec les officiers,ingénieurs et électriciens de la réserve au grand complet. Les locomotives de guerre reçoivent leurs garnisons et chargent leurs accumulateurs électriques. Les locomotives de l’armée active sillonnent les voies ferrées et les routes le long de la côte, les grosses locomotives-blockhaus et forteresses ont gagné les points stratégiques importants.

22 avril. - L’armée sous-marine reste en rade de Mozambique sur les frégates sons-marines à fleur d’eau ; elle a porté ses avant-postes à six lieues au large. Sur le premier renflement des côtes, par douze mètres de profondeur de fortes patrouilles éclairent les passes et des avisos sous-marins poussent des reconnaissances au loin ; au premier signal les forces sous-marines pourront se porter sur le point menacé.

23 avril, 7 heures du matin. - Un télégramme apporte la déclaration de guerre de l’Australie.

7 h. 50. - Une série de détonations épouvantables éclate au large de la rade de Mozambico-Ville ; des gerbes d’eau s’élancent à des hauteurs inouïes et dessinent nettement trois lignes de conflagration. Ce sont les torpilles qui sautent. L’ingénieur maréchal Blick, au retour d’une reconnaissance nocturne dans son ballon amiral, a failli être atteint, à 300 mètres d’altitude, par une colonne d’eau et des débris de roches.

L’attaque des Australiens a suivi de bien près la déclaration de guerre. Les ingénieurs mozambiquois étaient tranquilles, les dépêches de la flotte aérienne d’observation sur les côtes australiennes annonçaient simplement une concentration de troupes à Melbourne et dans quelques ports.

Le gouvernement australien, décidé à la guerre, avait très secrètement fait partir une forte division sous-marine, avant même l’envoi de sa première note. A l’heure même où la déclaration de guerre parvenait à Mozambico-Ville, le commandant du corps sous-marin australien recevait ses instructions par un fil spécial rattaché au premier îlot télégraphique international du canal de Mozambique. Six volontaires, commandés par l’ingénieur électricien Pipermann, se glissaient dans la chaloupe torpilleuse l’Étoupille à travers les postes ennemis, renversant par une décharge électrique, une patrouille rnozambiquoise , et venaient attacher une communication électrique au fil reliant les trois systèmes de torpilles à la côte.

Prévenu aussitôt, l’amiral australien, sacrifiant, pour ne pas risquer de perdre son heureuse chance, les braves de l’Étoupille, fit jouer sa batterie électrique. Toutes les torpilles disséminées sur vingt lieues de longueur, sautèrent d’un seul coup. Deux frégates et huit avisos sous-marins, surpris par l’immense conflagration, périrent, ainsi que quarante ou cinquante navires de commerce appartenant pour la plupart aux nations neutres.

23 avril. - Complications dans le sud. L’escadre australienne de l’Atlantique que l’on croyait en Amérique vient, au mépris du droit des gens et des traités, de jeter un corps de troupes sur le territoire neutre de la Cafrerie.

Port-Natal a été enlevé par une surprise nocturne. Les troupes cafres n’ont opposé qu’une faible résistance, et le roi Nélusko III s’est contenté de protester par une note adressée au corps diplomatique. Les Australiens, arguant de liens d’origine entre les fondateurs de l’ancienne colonie anglaise Port-Natal et l’Australie, ont proclamé l’annexion de la Cafrerie à l’Australie, tout eu annonçant l’intention de respecter les droits de Nélusko III s’il se résigne franchement à reconnaître la suzeraineté de la puissante Australie.

Cette conquête soudaine de la Cafrerie donne aux Australiens une excellente base d’opérations et leur livre la clef des voies ferrées du Sud-Oriental africain, du Tombouctou-Congo-Cap et de tout le réseau mozambiquois.

Les hommes d’Etat du Mozambique voient maintenant le danger que présentent pour leurs voisins les petits pays neutres, trop faibles pour faire au besoin respecter leur neutralité par les nations trop puissantes et surtout trop peu scrupuleuses.

24 avril. - Les Australiens ont déjà reçu des renforts à Port-Natal par voie sous-marine. Les locomotives de guerre des Cafres, garnies de troupes australiennes, ont franchi la frontière mozambiquoise et se sont emparées des passes des montagnes après un vif combat.

Six cent mille Australiens ont quitté Melbourne la nuit dernière par voie maritime, sous-marine et aérienne. L’ingénieur maréchal Blick a rallié tous ses corps d’armée pour faire face à l’ennemi. Les premiers revers, loin d’abattre Je courage des Mozambiquols, surexcitent au contraire l’ardeur guerrière des ingénieurs et des soldats.

25 avril. - Mauvaises nouvelles du Sud. Les locomotives australiennes poursuivent leurs avantages ; écrasant sous leur nombre les quelques forteresses roulantes espacées sur la frontière dégarnie, elles ont gagné les grandes plaines et précipité leur marche sur les routes et les voies ferrées, vers les passes du Monomotapa. Leur objectif est Zumbo sur le Zambèze, point de jonction du Tombouctou-Congo-Cap avec les grandes lignes mozambiquoises des lacs.

L’ingénieur maréchal Blick est parti il leur rencontre avec 800 blockhaus roulants, 150.000 hommes d’infanterie de railway et une forte division aérienne.

De son coté, l’ingénieur-général Coloquintos avec un superbe corps sous-marin remonte le Zambèze sur une flottille sous-marine, pour concourir à la défense des lignes du Zambèze.

Bataille de Zumbo

24 avril. - Les Australiens, arrêtés pendant la nuit par les fusées torpilles de l’escadre aérienne, ont pris vers quatre heures du matin l’offensive avec vigueur. La grande masse des blockhaus roulants s’est lancée sur les forteresses roulantes des Mozambiquois, malgré le feu épouvantable vomi par les six cents pièces de l’artillerie de railway et les deux ou trois cents pompes à mitraille de l’escadre aérienne.

L’aile droite des Australiens fut en moins de vingt minutes culbutée et presque pulvérisée ; mais une division de blockhaus de réserve, conduite par l’adjudant ingénieur Flashurst, le savant professeur de l’Université militaire de Melbourne, remplaça les locomotives détruites et aborda vigoureusement les Mozarnbiquois haletants sous le feu et très avariés.

Les Mozambiquois qui lie croyaient déjà victorieux durent reculer. A cinq heures, au moment où le grand ingénieur maréchal Blick s’avançait dans son ballon amiral, pour dégager les forteresses roulantes démontées et faire avancer au milieu de mille débris les blockhaus et les fourgons cuirassés intacts, l’artillerie de railway australienne, reconnaissant le pavillon de l’ingénieur maréchal dans la fumée, dirigea tous ses coups sur le ballon.

L’ingénieur maréchal, méprisant trop le danger. se pencha un peu hors de sa dunette blindée et reçut en plein corps un de ces obus à la superdynamite que les canons nouveaux des Australiens envoient avec une simple gargousse de 2 grammes. L’illustre ingénieur maréchal mourut sur le coup, on ne retrouva de tout son corps que de simples boutons d’uniforme.

Le désordre se mit dans les lignes mozambiquoises. Coup sur coup, quatorze ingénieurs généraux furent tués. L’escadre aérienne se dévoua et engagea résolument la lutte pour laisser à l’artillerie de railway le temps de se remettre. Les forteresses reculaient pendant ce temps, et se reformaient en avant des grands tunnels de Zumbo. Deux compagnies de perforateurs mozambiquois , arrivés le matin même, pénétrèrent dans l’immense remblai de Zumbo, avec douze tarières électriques marchant à la vitesse de deux kilomètres à l’heure.

Les perforateurs mozambiquois atteignirent bien vite les Australiens et firent sauter quelques blockhaus, mais ils furent bientôt éventés et anéantis par des torpilles-sondes, A ce moment, comme les Australiens accentuaient leur mouvement, une colonne de leurs blockhaus routiers, parvenue, par des chemins réputés impraticables et non gardés, au sommet des collines dominant les tunnels ainsi que le cours du Zambèze, couvrit les flancs des Mozambiquois d’un ouragan de fer.

L’ingénieur mozambiquois, craignant d’être coupé, battit précipitamment en retraite sans pouvoir faire jouer les torpilles placées en avant du tunnel. 45.000 morts et 490 forteresses roulantes détruites ou prises, tel est le bilan de cette première affaire.

Midi. - Les passes du Monomotapa et la ville de Zumbo sont au pouvoir de l’ennemi. La division sous-marine du Zambèze a aussi subi un échec. Un corps australien, ayant remonté le fleuve à toute vitesse dans 35 bateaux-étuis sous - marins à fortes machines électriques, a surpris les sous-marins mozambiquois au moment où ils faisaient de l’air. On ignore le chiffre des pertes. Le corps australien, renforcé de 20 bateaux-étuis amenés par aérostats, est parti par le grand canal du Loanga pour rejoindre le Zambèze supérieur et gagner les lacs.

27 avril.- La seconde armée australienne est débarquée. Le grand port de Mozambico-Ville est entièrement bloqué par terre et par mer. Les Australiens veulent s’en emparer et l’occuper fortement avant de marcher sur l’intérieur.

L’armée mozarnbiquoise, ayant perdu la ligne du Zambèze, se concentre à Mazayamba pour couvrir le lac Nyandza contre la première armée australienne. Un deuxième corps est eu formation à Lucenda, à la pointe sud du lac Tanganyika.

30 avril. - Le siège de Mozambico-Ville est poussé avec vigueur. Deux faubourgs ont été détruits par les torpilles de l’ennemi, mais nos fusées-torpilles ont fait sauter une position de l’aile droite des assiégeants avec une batterie blindée. Les perforateurs de l’ennemi, amorcés à 12 kilomètres des murs, ont déjà gagné nos remparts. La garnison du fort du Sud, surprise celte nuit, a péri toute entière. Honneur à ces braves écrasés sous leurs casemates !

Les autres forts bâtis sur le roc n’ont rien à craindre des perforateurs, mais ils souffrent beaucoup des obus asphyxiants de l’ennemi.

31 avril. - Les perforateurs ont réussi à tourner un massif rocheux et à pénétrer, à travers une faible couche de terrain friable, dans le faubourg élégant de Mozambico, Le faubourg brûle sur eux, mais le gros des forces ennemies se prépare à l’assaut.

Le chimiste Eugène, gouverneur de Mozambico, invite les habitants à s’enfermer cette nuit dans leurs demeures et à en bien calfeutrer toutes les ouvertures. On s’attend à du nouveau.

Un fort courant magnétique dirigé sur le front sud de la place ayant totalement paralysé les défenseurs des forts et des bastions, les Australiens se sont emparés sans coup férir, à dix heures du soir, de cette portion de l’enceinte en ramassant 18.000 prisonniers ; ils allaient s’élancer dans la ville, lorsque le gouverneur trouva le moyen de faire sauter leur réservoir d’électricité. Nos troupes, s’élançant aussitôt vers la colline du réservoir, trouvèrent toute la division qui l’occupait en proie à la plus violente attaque d’épilepsie.

45 forteresses roulantes tombèrent en notre pouvoir ; les canons furent tournés sur l’ennemi, mais les obus asphyxiants convergeant sur les troupes de la sortie comme sur les Australiens épileptiques, nous dûmes battre en retraite en ramenant nos prises et en réoccupant nos bastions du sud.

1er mai. - Toute l’armée a dû coiffer le casque à mentonnière avec tampon trempé dans une solution chimique sur la bouche, pour ne pas souffrir des émanations délétères d’un brouillard asphyxiant que le gouverneur et son état-major de chimistes ont réussi à produire. La canonnade australienne est devenue très faible, nos fusées à brouillard accablent les positions de l’ennemi.

2 mai. - 35.000 habitants n’ayant pas obéi aux prescriptions du gouverneur, relativement au calfeutrage absolu des maisons, sont malades et à peu près perdus. Les Australiens sont très éprouvés ; on évalue leurs pertes par le brouillard à 40.000 hommes. Malheureusement de nouveaux renforts ont débarqué et le général qui les commande a donné à toutes ses troupes le tampon chimique préservateur.

4 mai. - Grande bataille aérienne et sous-marine au sud du lac Nyandza.

L’escadre aérienne des Mozambiquois a pris l’offensive. Brûlant de venger les revers de la patrie, elle s’est ruée sur l’armée australienne en train de lever des contributions de guerre dans les riches cités du Nyandza.

La flotte aérienne des Australiens, couvrant les forteresses et l’infanterie de railway, a engagé résolument le duel. Les Australiens avaient pour eux le nombre, mais les blindages en gutta-percha des ballons mozambiquois offraient beaucoup de résistance aux obus. La victoire est restée indécise ; après trois heures de canonnades épouvantables et d’abordages, les deux flottes à bout de munitions se sont retirées.

Pendant le combat, à quatre cents mètres au-dessous des ballons, les flottes sous-marines s’abordaient entre deux eaux. Le Requin et la Silure, monitors sous-marins mozambiquois, enfoncèrent successivement douze navires ennemis ; par malheur, la Silure ayant eu son propulseur électrique brisé par une torpille, fut entourée par quatre monitors ennemis. Les sous-marins refusant de se rendre, les Australiens sabordèrent la Silure et noyèrent l’héroïque équipage.

5 mai. - Destruction par les Australiens de toutes les usines des grands districts manufacturiers du Nyandza. Leurs grandes cités manufacturières sont ravies : elles avaient réclamé ces destructions pour supprimer une concurrence dangereuse.

6 mai. - Dans la guerre moderne, les neutres ont parfois la chance d’assister, au moment où ils s’y attendent le moins, à de superbes combats aériens. C’est ainsi que six ballons mozambiquois, donnant la chasse à des aérostats-corsaires d’Australie, les ont rattrapés pendant la nuit au-dessus de Séville (Espagne).

L’affaire a été dure. Enfin, grâce aux terribles fusées-torpilles des Mozambiquois, les ballons-corsaires ont péri corps et biens. Deux églises, vingt-cinq maisons et environ trois cents habitants de Séville ont été grièvement endommagés dans la lutte ; on paiera naturellement le dommage à la fin de la guerre.

7 mai. - Prise de Mozambique par les Australiens. L’état-major mozambiquois a sauté avec une partie des fortifications, deux cents blockhaus roulants et trente mille hommes de troupes, par la maladresse d’un officier chimiste, en pleine opération chimique, au moment de l’emmagasinement dans des cylindres d’un gaz foudroyant sur lequel le gouverneur comptait beaucoup. Les Australiens ont pris possession des ruines.

8 mai. - Attaque du camp retranché de Mazayamba.

Bataille de Mazayamba

La plus grande bataille de la guerre : 800.000 Australiens contre 625.000 Mozambiquois ; l’infanterie terrienne et de railway a manœuvré en masses profondes et excessivement mobiles contre les troupes mozambiquoises appuyées à de solides retranchements ouverts de distance en distance pour livrer passage aux forteresses de railway. Les fusils à réservoir de l’infanterie mozambiquoise couvraient le terrain d’une trombe de fer et de plomb ; les Australiens, balayés par cette mitraille, tombaient par milliers. Leurs masses, par malheur, semblaient plus inépuisables que les fusils à réservoir des soldats de la vaillante Afrique. Les ingénieurs australiens firent des prodiges. Ils réussirent à amener à travers la mitraille et par-dessus mille obstacles, leurs locomotives roulières et leurs blockhaus roulants armés des énormes canons chargés à la superdynamite. Derrière les blockhaus roulants l’infanterie se fraya passage jusqu’aux lignes mozambiquoises.

Les fusils-pompes à balles et à mitraille de l’infanterie de railway australienne montrèrent alors leur supériorité, à courte portée, sur n’importe quels engins.

A deux heures de l’après-midi, l’armée mozambiquoise, réduite à 180,000 hommes, battait en retraite sur les places fortes du lac du Tanganyika ; l’escadre aérienne et les forteresses roulantes reculant à petits pas couvraient glorieusement la retraite.

8 mai. - Les puissances étrangères ont offert leur médiation. L’ambassadeur du Congo, M. le duc de Brazza. a rapporté à Livingstonia la réponse des Australiens. L’Australie élève des prétentions exorbitantes : 23 milliards d’indemnité, plus l’obligation, pour la nation mozambiquoise, de se fournir exclusivement en Australie des matières premières, objets fabriqués ou objets de consommation qu’elle ne peut produire elle-même. Suppression de tous droits sur les marchandises mozambiquoises exportées pour l’Australie, etc ...

9 mai. - L’Assemblée nationale mozambiquoise a repoussé les prétentions de l’ennemi.

10 mai. - Retour offensif des Mozambiquois. Les Australiens, confiants dans leur victoire, n’ayant pas gardé le contact de l’ennemi, ont été surpris au milieu d’un brouillard asphyxiant et bousculés sur les positions prises par eux l’avant-veille. La victoire est essentiellement changeante. Les ex-vainqueurs ont perdu 900 forteresses roulantes et 290.000 hommes en quatre heures.

Les Blackrifles, régiments nègres du Mozambique, ont lutté d’héroïsme avec les régiments blancs et mulâtres.

11 mai. - Les Autraliens battent en retraite. Le corps sous-marin qui avait remonté le Zambèze, cerné dans un des réservoirs du fleuve mis à sec par la levée des écluses, a été obligé de se rendre après un vif combat.

12 mai. - Les torpilleurs mozambiquois emmenés par l’escadre aérienne ont réussi ... à devancer les colonnes ennemies dans leur retraite. Les torpilles volantes et les fusées électriques détruisent à Topambas plus de trois cents locomotives de guerre avec leurs équipages.

19 mai. - Les Australiens comptent se retrancher à Mozambico-Ville et tenir en attendant la paix ou des renforts. Un corps de deux cent mille Mozambiquois s’est embarqué sur les gros transports de la flotte sous-marine et sur les aéronefs de charge pour l’Australie.

30 mai. - Bombardement et asphyxie de Melbourne. Les Australiens demandent à traiter. Signature d’un armistice.

2 juin. - Un congrès va se réunir pour traiter les conditions de paix.


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