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La solution des problèmes de l’esprit par l’imagination
samedi 3 juin 2023, par
Il s’agit probablement d’un texte apocryphe. En effet, dans la deuxième partie de l’article, l’auteur prend comme exemple le roman Sans dessus-dessous et lui attribue le titre de Topsy-Turvy. Comment pourrait-il ne pas se souvenir du titre français et lui attribuer à la place l’un des titres anglais ?
Aucune forme d’exercice mental n’est plus fascinante que celle consistant à laisser courir son esprit sur le résultat possible d’inventions qui, bien qu’inachevées et irréalisables maintenant, pourraient dans quelques années entrer dans le domaine de la vie ordinaire.
L’imagination est le plus grand inventeur du monde, car contrairement au savant, elle ne connaît aucun obstacle à l’achèvement et au succès de tout plan qu’elle a conçu. On m’a appelé — et je pense à tort — le père du sous-marin, du dirigeable et de l’automobile. J’ai, il est vrai, il y a de nombreuses années, décrit ces choses comme existant réellement, mais ce que j’ai fait était, vous devez le comprendre, un hommage à la supériorité de l’imagination en tant que résolveur de problèmes mentaux, plutôt qu’un quelconque hommage à ma propre ingéniosité ou la connaissance de la science.
La première chose que fait un inventeur par imagination, c’est de réfléchir sur ce qui a été accompli sur les lignes spéciales qu’il se propose de parcourir. L’imagination vient à son aide, et l’inventeur sur papier reflète ce que son invention doit être capable d’accomplir pour remplir les buts de son histoire.
Il est facile, comme le monde entier le sait, pour un romancier de créer des hommes d’une richesse énorme, et il n’est pas beaucoup plus difficile de résoudre des problèmes de locomotion, de chimie et de physique par des méthodes semblables.
En résolvant des problèmes mentaux par l’imagination, cependant, l’écrivain prudent doit se souvenir d’une chose, et cette chose est la plausibilité. Il doit étudier attentivement tout ce qui est connu dans le sens de l’invention qu’il entend perfectionner dans son histoire, et il aura alors toutes les raisons d’anticiper un résultat plausible qui, un jour même, pourra effectivement se réaliser dans la vie réelle, ainsi que dans un roman.
L’auteur de livres d’imagination dans lesquels les problèmes de science et les problèmes d’esprit trouvent généralement une solution, doit, pour réussir, être un lecteur vorace, et prendre des notes copieuses et volumineuses de tout ce qu’il lit et de tout ce qui est susceptible d’avoir une incidence sur les problèmes qu’il veut résoudre. De cette façon, il acquiert des faits scientifiques qui empêcheront le lecteur ordinaire de s’exclamer contre la folle impossibilité de ce que l’auteur avance.
Dans mon propre cas, je peux dire que dans chacun des cent volumes que j’ai écrits, il y a eu une base scientifique précise. Mon objet a été d’envelopper un fait scientifique dans une couverture imaginaire qui, tout en incitant l’esprit de mes jeunes lecteurs à s’exercer avec plaisir sur les aventures de l’histoire, les amènera également à réfléchir sur le noyau scientifique, et peut-être à l’ultime invention de la merveille apparemment impossible décrite dans mon livre.
Dans une histoire par exemple, une histoire qui s’appelait Topsy-Turvy en français (je ne me souviens pas du titre anglais dans la traduction qui a été faite), le roman était basé sur les événements qui découleraient du déplacement du pôle terrestre. Avant d’écrire mon histoire, j’ai fait faire un calcul exact sur la taille et d’autres détails du canon dont le choc devrait déplacer ainsi l’axe, puis j’ai fait commettre exprès au héros de mon histoire une erreur dans les calculs que je lui ai fait faire. S’il ne l’avait pas fait, j’aurais eu du mal à expliquer pourquoi la France n’était pas un lac et pourquoi New York n’était pas une montagne, ou peut-être un glacier.
Je suis enclin à penser qu’à l’avenir, le monde n’aura plus beaucoup de romans dans lesquels les problèmes mentaux seront résolus par l’imagination. C’est peut-être le sentiment naturel d’un vieil homme avec une centaine de livres derrière lui, qui sent qu’il a écrit son sujet, mais j’ai vraiment l’impression que les écrivains d’aujourd’hui et du passé qui ont laissé jouer leur imagination sur les problèmes d’esprit, ont, pour utiliser une expression familière, presque rempli le contrat.
L’écrivain de mon temps, ou devrais-je dire, de mon après-midi, qui a fait plus de cette façon que tout autre homme, est le jeune Anglais, M. H. G. Wells H. G. Wells Quasiment tous les amateurs de Science-Fiction et fantastique connaissent les deux œuvres majeurs de cet écrivain anglais que sont La guerre des mondes et La machine à explorer le temps. Mais il a écrit également de nombreuses nouvelles dont certaines ont été publiée dans l’hebdomadaire d’information scientifique La Science Illustrée. Ce sont onze nouvelles que je compte vous proposer ici. Peut-être publierai-je également La Guerre des monde dont la première édition française a été publiée dans cette revue en 1901. , dont les œuvres m’ont beaucoup intéressé depuis qu’elles sont parues en traduction française. Rien, par exemple, ne peut être lu de manière plus concluante que l’extraordinaire machine à remonter le temps dans l’un des livres de M. Wells. Je ne pense pas qu’une telle machine telle qu’il la décrit soit un fait réel, bien sûr, et pourtant, en lisant le livre, l’auteur semble avoir prouvé de manière concluante qu’un tel appareil est absolument dans les limites du possible. Il en est ainsi en raison de la manière ingénieuse dont l’auteur s’est servi des données scientifiques connues, et c’est là que réside le secret.
Il ne suffit pas d’habiller des êtres humains en tenue de carnaval et de les appeler des Martiens ou des Hommes de la Lune, et c’est cette erreur que M. Wells évite si merveilleusement et avec tant de succès. Il invente ses hommes lunaires et ses martiens, et il leur donne des attributs que la science actuelle peut réellement leur permettre.
Mais en quelques mots, la solution des problèmes de l’esprit par l’imagination consiste en ceci : souhaiter qu’une invention puisse être réalisée, puis faire la description détaillée de sa réalisation comme si elle avait réellement eu lieu. Le souhait est père de la pensée, dit le vieux proverbe.
La solution de tous les problèmes de l’esprit peut indubitablement réclamer l’imagination pour mère.
[1] Informations fournies en introduction de l’article dans Arkham Sampler.