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Vian vs Sullivan

dimanche 3 novembre 2013, par Denis Blaizot

La sortie récente du film L’écume des jours adapté du plus célèbre des romans de Bison Ravi ne pouvait que m’inciter à replonger dans la lecture de cet incontournable de la littérature française. Et à ceux qui ne le comprennent pas (Si si, il y en a) j’ai envie de donner tous les noms de la Terre, et encor’ d’aut’s bien moins courants. Comment peut-on ne pas comprendre son humour ? Et, même dans ce cas-là, comment peut-on ne pas reconnaitre la qualité de son écriture. Simple, efficace, le lecteur doit normalement avoir le sentiment que le narrateur est là assis à côté de lui et lui raconte une histoire ; Son histoire.

Boris Vian (1920 — 1959) était un grand poète. Et comme pour beaucoup d’autres (Edgar Poe, par exemple), la vrai reconnaissance n’est venue qu’après sa mort. Mais ce boulimique de la création nous a laisser une montagne de choses. Les éditions Fayard ont publié ses œuvres en 15 gros volumes : romans, nouvelles, chansons, chroniques littéraires, cinématographiques ou musicales.

Pour dépanner un ami éditeur, Boris Vian est devenu écrivain noir américain : Vernon Sullivan. Si vous êtes insensible à la poésie de L’écume des jour et de sa suite L’automne à Pékin, J’irai cracher sur vos tombes ou Les morts ont tous la même peau vous accrocherons certainement d’avantage.

Les deux se partagent le tome deux des œuvres de Boris Vian. Prenons un texte de chacun. Avec Les fourmis, Vian nous narre les mésaventures dans un soldat pris dans la tourmente du débarquement de juin 44 (Bien que non daté, ce ne peut être que cet évènement qui a servi de base au narrateur). Cette nouvelle est présentée comme le journal que pourrait tenir ce soldat et le ton donné à la narration contient beaucoup de dérision. ...je n’ai gardé que mon carnet et mon stylo. Je vais les lancer avant de changer de jambe et il faut absolument que je le fasse parce que j’en ai assez de la guerre et parce qu’il me vient des fourmis. Sullivan est plus incisif, acide. Ses personnages se retrouvent dans des situations qui ne sont sans doute pas plus réalistes, mais ils ont un côté asocial marqué. Le meurtre ne leur fait pas peur. C’est un élément de leur vie, ou, pour le moins, possible. Mais comme les personnages de Vian, ils sont rattrapés par la réalité du monde. ... Elle ne réagissait plus comme avant. Je sais, vous pouvez dire que je suis un monstre. Vous n’avez pas connu cette fille-là. Tuer un chien ou tuer un gosse, je l’aurais fait pareil pour cette fille-là. Alors on a tué une fille de quinze ans... Rattrapé par la police, aidée de la chance, le narrateur/héros de Les chiens, le désir et la mort ne s’en tirera pas mieux.

Si je ne devais garder qu’un seul écrivain dans ma bibliothèque, ce serait lui Vian/Sullivan.