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François Augustin Paradis de Moncrif : Le Chat, le Brahmane et le Pénitent

Fragment de l’histoire des dieux de l’Inde

lundi 30 mai 2022, par Denis Blaizot

Auteur : François-Augustin Paradis de Moncrif (1687-1770)

Titre : Fragment de l’histoire des dieux de l’Inde. Le Chat, le Brahmane et le Pénitent

Publié dans Lettres philosophiques sur les chats (1748 1748 )

J’ai découvert ce texte en feuillant les numéros (comprendre les copies numériques, bien sûr) de The Magazine of Fantasy and Science fiction — 1954. Et dans celui de décembre : The Cat, the Brahmin & the Penitent (translated by R. Bretnor). Je suis tenté de traduire la traduction pour vérifier si le texte original est respecté. Et c’est le cas.

Avec un nom d’auteur pareil, ce ne pouvait être qu’un auteur français. Un petit tour sur Gallica et je découvre ces Lettres philosophiques sur les chats. Ni une, ni deux, un peu de reconnaissance de caractères et je peux partager avec vous cette découverte.

C’est un petit conte agréable à lire inspiré par les légendes indiennes. Je dois reconnaître qu’il ne m’a pas assez convaincu pour m’engager à lire l’intégralité du recueil. Toutefois, je vous le mets à disposition ; que vous puissiez vous en faire votre propre opinion.


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Un Roy des Indes nommé Salamgam, avait à sa Cour un Brahmane (Les Brahmanes tiennent le premier rang dans l’Inde, ils sont dépositaires de la Philosophie & de la Religion.) et un Pénitent (Les pénitents sont dans la Mythologie des Indiens ce qu’étaient les Héros à l’égard des Dieux des Grecs ; ces Pénitents, quoique mortels, disputent quelquefois de puissance avec ces Dieux. Voyez les Lettres du Père du Hald. Delon l’Histoire des Bramines et autres.) célèbres l’un & l’autre, par l’excellence de leur vertu ; il en résultait entr’eux une rivalité & une dissension qui causait souvent des événements merveilleux.

Un jour que ces illustres Athlètes disputaient devant le Roy sur le degré de vertu que l’un prétendait avoir sur l’autre, le Brahmane outré de voir le Pénitent partager avec lui l’estime de la Cour, déclara hautement que sa vertu était si recommandable auprès du Dieu Parabaravarassou, qui est dans l’Inde le Roy des Divinités du premier ordre, qu’à l’instant même il pouvait à son gré se transporter dans l’un des sept Cieux où les Indiens aspirent. Le Pénitent prit au mot le Brahmane ; et le Roy qu’ils avaient choisi pour juge de leur différend, lui prescrivit d’aller dans le Ciel de Dévendiren (Les Indiens imaginent plusieurs Cieux où l’on jouit de différents degrés de volupté, selon les vertus qu’on a pratiqué dans ce monde.), & d’en rapporter une fleur de l’arbre appelé Parisadam, dont la seule odeur communique l’immortalité. Le Brahmane salua profondément le Roy, prit son essor, & disparut comme un éclair : la Cour resta étonnée ; mais on ne doutait pas cependant que le Brahmane ne perdît la gageure. Le Ciel de Dévendiren n’avait jamais été accessible aux mortels. Il est le séjour de quarante huit millions de Déesses qui ont pour maris cent vingt quatre millions de Dieux, dont Dévendiren est le Souverain, et la fleur Parisadam dont il est extrêmement jaloux, fait le principal délice de son Ciel.

Le Pénitent avait grand soin de faire valoir toutes ces difficultés, et s’applaudissait déjà de la honte prochaine de son rival. Lorsque tout-à-coup le Brahmane reparut avec la fleur céleste qu’il n’avait pu cueillir que dans les Jardins du Dieu Dévendiren ; le Roy et toute la Cour tombèrent d’admiration à ses genoux, et on exalta sa vertu au degré suprême. Le Pénitent seul se refusa à cet hommage. « Roy, dit-il, et vous Cour trop facile à séduire, vous regardez l’accès du Brahmane dans le Ciel de Dévendiren comme une grande merveille. Ce n’est que l’ouvrage d’une vertu commune ; sachez que j’y envoie mon Chat, quand bon me semble, et que Dévindiren le reçoit avec toutes sortes d’amitiés et de distinctions. » Il dit, et sans attendre de réplique, il fit paraître son Chat qui s’appelait Patripatan. Il lui dit un mot à l’oreille et voilà le Chat qui s’élance et qui, à la vue de cette Cour extasiée, va se perdre dans les nues. Il perce dans le Ciel de Dévendiren, qui le prend entre ses bras et lui fait mille caresses.

Jusque là le projet du Pénitent allait à merveilles ; mais la Déesse favorite de Dévendiren fut frappée comme d’un coup de foudre, d’un goût si emporté pour l’aimable Patripatan, qu’elle voulut absolument le garder.

Dévendiren à qui le Chat avait d’abord expliqué le sujet de son ambassade, s’y opposa. Il représenta que Patripatan était attendu avec impatience à la Cour du Roy Salamgam, qu’il y allait de la réputation d’un Pénitent, que le plus grand affront qu’on pût faire à quelqu’un, était de lui dérober son Chat. La Déesse ne voulue rien entendre, tout ce que Dévendiren put obtenir fut qu’elle le garderait seulement deux ou trois siècles, après lesquels elle le renverrait fidèlement à cette Cour qui l’attendait. Salamgam s’impatientait cependant de ce que le Chat ne revenait point ; le Pénitent seul avait un front assuré ; enfin ils attendirent les trois siècles entiers, sans autre inconvénient que l’impatience, car le Pénitent, par le pouvoir de sa vertu, empêcha que personne ne vieillît. Ce temps écoulé, on vit tout-à-coup le Ciel s’embellir, et d’un nuage de mille couleurs sortir un trône formé de différentes fleurs du Ciel de Dévendiren. Le Chat était majestueusement placé sur ce trône et, étant arrivé auprès du roi, il lui présenta avec sa patte charmante une branche entière de l’arbre qui porte la fleur de Parisadam. Toute la Cour cria victoire : le Pénitent fut félicité universellement, mais le Brahmane osa à son tour lui disputer ce triomphe. Il représenta que la vertu du Pénitent n’avait pas, opéré seule ce grand succès ; qu’on savait le goût déterminé que Dévendiren et sa Déesse favorite avaient pour les Chats et que sans doute Patripatan dans cette merveilleuse aventure avait au moins la moitié de la gloire. Le Roi frappé de cette judicieuse réflexion, n’osa décider entre le Pénitent et le Brahmane ; mais tous les suffrages se réunirent d’admiration pour Patripatan et depuis cet événement ce Chat illustre fit les délices de cette Cour et soupa chaque soirée sur l’épaule du monarque. Vous le croyez, bien, Madame. J’ai l’honneur d’être, etc.