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William Hope hodgson : Date 1965 : La guerre moderne [Extrait du « Phono-Graphic »].

jeudi 3 mars 2022, par Denis Blaizot

Auteur : William Hope Hodgson William Hope Hodgson William Hope Hodgson (1877 - 1918) fut un des maîtres du fantastique. Il a, parait-il influencé H.P. Lovecraft et Jean Ray, pour ne citer que les deux plus connus.

Titre français : Date 1965 1965  : La guerre moderne [Extrait du « Phono-Graphic »].

Titre original : Date 1965 1965  : Modern Warfare (The New Age, 24 décembre 1908 1908 .)

Éditeur : Gloubik éditions

Année de parution : 2022 2022

C’est évident, cette nouvelle m’a fait penser au roman de Pierre Pelot Pierre Pelot Pierre Pelot, de son vrai nom Pierre Grosdemange, né le 13 novembre 1945 à Saint-Maurice-sur-Moselle dans les Vosges, est un écrivain français. Prolifique, Il a publié près de 200 titres. Il écrit également sous les pseudonymes de Pierre Suragne et Pierre Carbonari.  : La guerre olympique. Comment faire autrement ? La proposition — que Hodgson met dans la bouche de John Russell — consiste en l’organisation de combats se substituant à une guerre classique. Mais il n’hésite pas à proposer de considérer les corps des vaincus comme de la viande de boucherie. Lugubre, non ? Comment peut-on imaginer que l’auteur de ce pamphlet anti-guerre est mort au combat pendant la guerre 14-18.

La nouvelle machine de guerre, qui arrive si ra­pidement après le remarquable discours de M. John Russell, M.P., à la Chambre le 20 du mois dernier, trouvera le chemin étroit de l’opinion publique pour son utilisation réelle.

Comme l’a dit M. Russell :

Une crise est survenue et il faut y faire face. Le combattant moderne, le soldat, le boucher – appe­lez-le comme vous voulez – a assez clairement montré qu’il sait de quelle manière il rend service à l’ensemble de la communauté : en tuant ou en étant tué dans les gigantesques boucheries qui suivent le sillage de certains « babillages » poli­tiques. En fait, comme les prisonniers du siècle dernier, s’il doit passer par le moulin – dans son cas, le moulin de la mort – il est désireux de savoir qu’il fait un travail réel. Il est devenu un individu, une unité de pensée – une unité capable d’utiliser le cerveau dont il est doté. Il s’est élevé au-dessus de la ferveur semi-hystérique de l’ignorant d’il y a un demi-siècle, qui partait tuer, avec le sentiment qu’il était engagé dans une vocation glorieuse – non, la plus glorieuse à laquelle l’homme puisse être appelé : un état d’esprit qui a été soigneuse­ment encouragé par des hommes d’un niveau plus élevé, mais pas toujours d’un intellect plus élevé. Ces derniers ont fait valoir, en faveur de la profes­sion de « boucher », que la boucherie de leurs sem­blables, comme de courir le même risque, étaient les meilleurs moyens de développer tout ce qu’il y a de plus élevé et de plus héroïque en l’homme. Nous, à notre époque, nous « avons des doutes », bien que, aujourd’hui encore, il y en ait qui jurent par l’ancienne croyance, se référant aux Nations des Classiques et montrant que, lorsqu’ils ces­saient d’être soldats, ils tombaient des hauteurs qu’ils avaient gagnées par les armes. Qu’ils deve­naient mous de fibre et de cœur. Au premier de ces arguments, je répondrai qu’en ces jours de haute intellectualité nationale, nous nous rendons compte que le fait de tuer le fils d’une mère ne contribue pas à la solution logique de la question : à qui doit appartenir le Pôle Sud ? Plus encore, que le pouvoir de la loi universelle (dont nous pouvons déjà voir le tracé) usurpera la place de l’ancien boucher – en d’autres termes que la raison intellec­tuelle régnera à la place du massacre irraisonné et insensé.

Au second danger – celui de devenir mou de fibre et de cœur – j’opposerai le fait que pour mener la vie d’un civil dans le siècle actuel, il faut autant d’héroïsme et de force d’âme que le boucher le plus sanguinaire de l’ancien temps.

Si quelqu’un a des doutes sur ce point, qu’il es­saie d’imaginer l’ancien héros soldat romain confronté au problème de la vitesse de 270 mph dans l’une de nos voitures monorails les plus mo­dernes. Ou, plus encore, un voyage autour de la Terre dans l’un des grands vaisseaux volants, à une vitesse de 600 à 800 mph, et il conviendra, je pense, que j’ai quelque peu raison.

Oh, j’entends le cri, « c’est parce que nous y sommes habitués. Qu’ils s’y habituent, et ils n’y verront pas d’inconvénient ».

C’est vrai, mes amis. Mais les Anciens étaient habitués au massacre. Presque autant que nous sommes habitués à notre monorail et à nos vais­seaux volants. Pourtant, il y avait alors des lâches, qui se dérobaient au combat, et qui ne se sont ja­mais libérés de leur lâcheté. Pour autant, ils vi­vaient dans une atmosphère de guerre. Il y a des lâches aujourd’hui, qui n’ont jamais dépassé la vi­tesse de 100 mph, et qui ne le feront jamais, bien qu’ils soient entourés du rugissement de nos vi­tesses plus élevées. Pour le reste, le courage de l’homme d’aujourd’hui est bien adapté aux besoins de son temps, bien plus que s’il était doué de celui de quelque héros antique.

Mais pour en revenir à nos moutons, comme le dit un ancien dicton. La guerre est toujours avec nous. Tant que les nations resteront séparées, ayant des intérêts distincts et conflictuels, tant que la profession de « boucher » restera un fait hideux ; jusqu’au moment où nous serons d’accord pour former une Nation-Monde, policée, dans l’ordre, au lieu d’être massacrés.

Une nation-monde est le remède au massacre sans cause qui existe à l’heure actuelle. Mais c’est un remède qui se trouve dans l’avenir, et notre but actuel est de tirer le meilleur parti de ce à quoi nous ne pouvons échapper. À cette fin, j’ai deux propositions à faire, bien qu’elles puissent être re­groupées sous un seul titre, celui d’économie.

La première concerne les dépenses. On se sou­viendra que jusqu’à l’été 51, l’uniforme « coloré » n’a pas été entièrement abandonné par les régi­ments locaux. À cette date, cependant, il a été défi­nitivement abandonné et le brun universel est de­venu la norme. Pourtant, à bien des égards, cet uniforme est inutilement coûteux, et je suggérerais de le remplacer par l’habituelle salopette bleue des bouchers. Cela dit en passant, je congédierais tous les officiers et nommerais à leur place, pour chaque centaine d’hommes, un boucher en chef. Cela sera suffisant pour le moment. J’expliquerai plus tard d’autres moyens de réduire encore les dépenses.

La deuxième partie de mes propositions d’éco­nomie porte sur une innovation : les reçus ! Oui, j’aurai des reçus.

Étant donné qu’il y a, et qu’il semble probable qu’il y aura encore pendant un certain temps, un besoin de boucherie humaine, alors, au nom d’un tout petit fragment de bon sens que nous pouvons posséder, mettons la chose sur une base plus saine, plus commerciale – et sauvons la viande ! Oui, sauvez la viande. Économisez-la. Traitez-la comme le commerce qu’elle est. Et un commerce sale et méchant en plus. Comme des gens raison­nables, allez au meilleur, au moyen le plus direct de le faire et de le terminer aussi rapidement et effi­cacement que possible. Nous pourrions, au cas où ma suggestion serait adoptée, faire remarquer aux victimes qu’elles ne sont pas, au moins, mortes en vain.

M. Russell a ensuite fait des suggestions :

La guerre devrait, bien entendu, être menée sur des lignes quelque peu différentes de celles qui ont prévalu jusqu’à présent. De plus, nous de­vrions conclure des accords internationaux pour que toutes les nations se conforment aux nouvelles méthodes de mise à mort. Mais il ne fait aucun doute que cela peut être arrangé. La question de l’économie serait un argument de poids en sa fa­veur.

Quant au plan proprement dit, il y en a plu­sieurs que j’ai en tête, n’importe lequel ferait l’affaire. Prenons-en un. Supposons qu’il y ait une affaire en litige entre deux nations, et que nous soyons l’une d’elles. Eh bien, nous aurions, selon mon idée, un comité chargé d’en étudier l’impor­tance, la taille, les risques, les désirs, etc. tout, en fait, sauf la moralité de la chose. Puis nous nous référerions aux statistiques de diverses « tueries » dans des boucheries antérieures et, en prenant tous ces points en considération, nous ferions une moyenne, et nous formerions une estimation du nombre à tuer pour en faire une affaire sûre. L’autre camp ferait de même et aucun ne saurait le nombre d’hommes que l’autre a voté pour régler l’affaire. Cela fournirait un splendide élément de hasard, bien calculé pour donner des occasions de développer toutes les qualités héroïques néces­saires que tout homme peut espérer avoir.

La partie suivante du travail consisterait à choisir les hommes. Ils seraient choisis par tirage au sort. Un certain nombre de chaque nation… une méthode bien calculée pour améliorer leur courage, leur hardiesse, leur virilité, leur stoïcisme, leur force d’âme et beaucoup d’autres bonnes qua­lités. Comme le dernier combat de ceux qui sou­tiennent la guerre a été son effet bénéfique sur la virilité de la nation, vous verrez que ma proposition doit être approuvée par eux. Car, avant qu’un coup ait été porté, une grande partie de la formation a été accomplie.

Ayant maintenant choisi nos « bouchers » (ou victimes), dont le nombre correspond à l’estimation de l’Office des viandes – je veux dire l’Office de la guerre – nous les placerions dans un grand enclos avec le nombre choisi que la nation adverse a voté comme étant nécessaire pour atteindre son objectif. Chaque homme serait muni d’un couteau et d’un fusil et, commençant à travailler à l’heure habi­tuelle du pays où la boucherie est effectuée, il procéderait à l’abattage avec toute la rapidité dont il dispose. Les survivants sont, bien entendu, considérés comme les gagnants. Une fois l’abattage terminé, la viande est emballée et vendue par le vainqueur pour couvrir ses frais, minimisant ainsi le coût d’une activité quelque peu désagréable, mais, selon de nombreux érudits, très nécessaire et honorable.

Cette viande devrait bien se vendre, car je peux imaginer qu’il y a une grande satisfaction à manger son ennemi. De plus, on me dit que c’est une coutume très ancienne.

Je suggère, en terminant, que les bouchers re­çoivent des instructions de la part des bouchers en chef sur les méthodes appropriées de mise à mort. À l’heure actuelle, ils mettent beaucoup plus de science à détruire les bœufs rapidement et confortablement qu’à accomplir le même genre d’office pour leurs congénères. Si un homme doit être tué, qu’au moins il ne soit pas traité de façon plus bar­bare qu’un taureau. De plus, ils devraient ap­prendre, lorsqu’ils tuent, à ne pas abîmer les arti­culations. Que chaque homme comprenne son mé­tier !

C’est ici que M. John Russell a terminé son dis­cours, au milieu des profondes acclamations de toute la Chambre.