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William Hope hodgson : « Sailormen »
dimanche 13 février 2022, par
Quoi qu’il en soit, j’ai eu le lisant le sentiment de découvrir le compte-rendu d’un des nombreux accidents de mers dont Hodgson a du être témoin durant ses quelques années de carrière dans la marine à voile commerciale.
Pour finir, je vous signalerai que les éditions CODA écrivent dans le tomes 5 de l’intégrale des Nouvelles qu’ils n’ont pas pu insérer ce texte pour des raisons de droits.
— Tout le monde sur le pont ! Réduisez la voile !
Quelques minutes plus tard, nous sommes sur le pont humide et glissant, vêtus de cirés et de bottes de marin. Tout autour de nous et au-dessus de nous, c’est le noir profond, tandis qu’au loin, au vent, l’étrange faisceau de lumière phosphorescente, causé par le grain qui s’approche et qui déchire le sommet des vagues en écume, ne fait qu’intensifier l’obscurité orageuse de la nuit. De temps en temps, une montagne au sommet blanc soulève sa tête saumâtre au-dessus des remparts météorologiques, et descend avec un rugissement et un tourbillon sur nos têtes, nous enterrant sous des tonnes d’eau et d’écume.
— Tenez-vous près des drisses… Descendez !… Manœuvrez les palans et les cargues.
L’instant d’après, au-dessus du grondement de la bourrasque, on entend le grondement profond et creux de la voile, alors que le vent, la prenant à revers, la déchire en lambeaux. L’ordre est donné :
— Dans la mâture, enroulez ! et je m’en vais, suivi de cinq hommes.
Étant le premier sur la vergue, je m’allonge au vent avec Joe Norton (Joe le Néo-Zélandais, comme nous l’appelons) à côté de moi – un jeune homme fin et costaud. Le vent fouette la voile déchirée dans un tonnerre continu, faisant trembler la vergue, avec les six hommes dessus, comme un ressort d’acier. Il fait trop sombre pour tenter d’esquiver les bouts volants ; nous devons tenter notre chance. Lentement et sûrement, malgré l’obscurité et la tempête, nous parvenons à prendre la voile en main. Joe la tient. Je cherche le lien sous la vergue. Ce faisant, une rafale plus violente, remplie de neige fondue, frappe le navire. J’entends un cri : « Mon Dieu, tenez bon ! » J’arrête de respirer. Tout en bas, à près de cent pieds, j’entends distinctement, malgré le grondement de la tempête, un bruit sourd qui semble faire vibrer le navire. Je tends la main pour toucher Joe. Je crie son nom. Il n’est pas là. Puis je sais et j’ai le vertige. L’homme qui se trouve plus loin sur la vergue est violemment malade. Pendant quelques minutes, je ne peux que m’accrocher et prier. Dès que possible, nous mettons les liens autour de la voile, puis nous descendons de la mâture du mieux que nous pouvons, en tâtant chaque cordage et en nous accrochant comme des morts.
Nous atteignons le pont. Pas besoin de demander à ceux qui sont en bas.
Dans l’un des roufs, une faible lampe à huile éclaire l’une des tables, sur laquelle repose une longue forme immobile, recouverte d’un vieil étendard. C’est Joe le Néo-Zélandais.