Accueil > Polars, Thrillers et romans noirs > Le crime mystérieux du Madelon-Cinéma
Le crime mystérieux du Madelon-Cinéma
Le Matin — 1er octobre 1922 et suivants
mercredi 4 octobre 2023, par
Une fillette de onze ans disparaît mystérieusement
Vendredi soir, une jeune veuve de guerre, Mme Barbara, demeurant 4, boulevard de Port-Royal, se présentait au poste de police de l’avenue des Gobelins et, en pleurant, déclarait que sa petite fille, qu’elle avait envoyée chez une amie, à Bicêtre-Ivry, ne s’était pas fait voir chez cette dernière, et n’était pas revenue à la maison.
La petite Suzanne-Odette, âgée de 11 ans, est grande et forte pour son âge. Son signalement est le suivant : cheveux châtains, yeux marron foncé sur son nez est encore visible une meurtrissure causée par une chute. Au jour de sa disparition, l’enfant était vêtue d’un tablier noir d’écolière, d’une robe en velours marron et d’un manteau de laine bleue avec un col liseré blanc ; chaussettes et souliers noirs.
Divers renseignements recueillis chez des habitants du voisinage ont permis de supposer tout d’abord qu’il ne s’agissait que d’une fugue et que la petite Suzanne serait vite de retour chez sa mère. Mais cette supposition paraît avoir été abandonnée.
Ce que dit Mme Barbara
Nous nous sommes rendu hien chez Mme Barbara, qui nous a fait les déclarations suivantes :
— Ma petite Suzanne ne s’est pas enfuie, j’en suis certaine. Elle était heureuse à la maison et, ces jours-ci, elle était particulièrement contente, parce que samedi, nous devions aller à la mer. Elle connaissait très bien son chemin, l’ayant fait maintes et maintes fois. Mme Oudin, rue des Plantes, à Ivry. chez laquelle elle se rendait, est la mère d’un de mes amis qu’elle aimait beaucoup.
J’avais chargé Suzanne de passer dans une pharmacie située à l’angle de la rue de Tolbiac et de l’avenue d’Italie, afin d’y faire exécuter une ordonnance. Elle devait y prendre le médicament à son retour d’Ivry. Le pharmacien a bien vu mon enfant vers 14 heures, mais ne l’a plus revue ensuite. C’est entre la rue de Tolbiac et la rue des Plantes que l’on perd la trace. Il ne s’agit cependant que d’un parcours d’une vingtaine de minutes sur la route de Fontainebleau, que Suzanne accomplissait toujours à pied. S’agit-il d’un rapt ou d’un crime ? Je ne sais. Mais cela ne peut être une vengeance, comme on l’a insinué, car je ne me connais pas d’ennemis.
On découvre sous la seine d’un cinéma le cadavre dépecé d’une fillette
La victime. Suzanne Barbala, avait disparu le 1er septembre
Un crime effroyable, qui rappelle le monstrueux attentat commis par Soleilland voici quelques années, a été découvert l’autre nuit.. Sous la scène du cinéma « Madelon », situé 172, avenue d’Italie, l’opérateur Bovery, au cours d’une ronde effectuée dans le but de rechercher l’origine d’une épouvantable odeur qui, depuis plusieurs jours, avait envahi la salle, a trouvé le cadavre d’une fillette dont les membres et la tête avaient été sectionnés.
Le cinéma « Madelon », situé non loin de la porte d’Italie, est une longue salle où chaque soir, de 20 à 23 heures, ont lieu des représentations. Le dimanche et le jeudi, des matinées y sont données de 14 à 16 heures.
La salle ne possède qu’une entrée sur l’avenue d’Italie. Elle est fermée par une grille de deux mètres de hauteur. La scène est élevée à 1,80m du sol, sur un bâti de bois et de plâtre. Elle mesure une quinzaine de mètres carrés. Sous la scène, c’est le vide : une espèce de cave obscure, qui sert de remise aux boîtes à ordures et de débarras. Une barrière sépare les musiciens des premiers rangs des fauteuils. À droite et à gauche, encadrant la scène, deux portes donnent accès aux coulisses. Une ouverture d’un mètre carré, pratiquée dans le plâtre, permet, du côté droit de la scène, d’accéder au-dessous du cinéma : à la cave.
Depuis quelques jours, le personnel de l’établissement était fortement incommodé par une odeur des plus désagréables qui paraissait se dégager de la scène. La salle, cependant, était aérée après chaque séance, et l’aide-machiniste, le jeune Philippot, qui, avec sa mère, procède au nettoyage de l’établissement, avait, mais en vain, jeté un désinfectant.
Ces odeurs persistant, plus incommodes que jamais, l’aide-machiniste avertit les directeurs de l’établissement et ceux-ci invitèrent l’opérateur Bovery à effectuer une visite minutieuse des dessous, après la séance de mercredi soir.
Donc, vers 23 h. 30, après le départ du public, M. Bovery pénétra sous la scène et projeta dans les différentes directions les rayons d’une lampe électrique dont il s’était muni.
Dans le fond, à l’extrémité opposée à l’ouverture, sous l’écran,.une masse informe et sombre apparaissait que recouvrait une plaque de tôle et se dégageait une odeur effroyable de chairs en décomposition. Croyant se trouver en présence du cadavre d’un animal quelconque venu se blottir dans ce coin pour mourir, M. Bovery souleva la plaqua de tôle. Un cri d’horreur lui échappa. Les débris informes qu’il avait sous les yeux n’étaient pas ceux d’un animal : c’était un cadavre humain qu’on avait dépecé et dont les morceaux, avaient été empilés les uns sur les autres. Affolé, le mécanicien courut prévenir des agents et ceux-ci ayant constaté eux-mêmes l’horrible chose s’en furent avertir M. Frédérique, commissaire de police du quartier de la Gare, remplaçant son collègue de la Maison-Blanche.
Le magistrat, après avoir prévenu la police judiciaire, vint hier à la première heure procéder aux constatations, bientôt suivi de M. Guillaume, commissaire de la police judiciaire, qu’accompagnaient l’inspecteur principal Bouygues, le brigadier Rousselet et de nombreux inspecteurs. Peu après, arrivaient MM. Donat-Guigue, substitut du procureur de la République Bacquart, juge d’instruction ; son greffier, M. Crosnier, et le docteur Paul, médecin légiste.
Amenés au jour et déposés sur une table contre la scène, les funèbres débris furent minutieusement examinés par le magistrat et le docteur Paul. Le corps était celui d’une fillette. Les chairs putréfiées et noires permettaient de fixer à un mois environ la date de la mort. Le cadavre était nu, sauf les pieds chaussés encore de souliers et de chaussettes noires. La tête avait été sectionnée ainsi que les jambes et les cuisses et formaient huit tronçons différents. Aux oreilles pendaient encore de petites boucles. Le médecin légiste ne put préciser si la malheureuse petite victime de ce drame n’avait pas été, avant sa mort l’objet d’un odieux attentat. Mais ce premier examen suffit au praticien pour constater que la désarticulation a été faite avec une grande adresse. Le cou, notamment, a été sectionné sans qu’aucune bavure marquât les chairs.
Cependant, avec le corps, on avait découvert, sous la scène du cinéma, différents morceaux de vêtements, un tablier noir de femme, un pantalon. Ces objets, et surtout les chaussures, les chaussettes est les boucles d’oreilles trouvées sur la victime devaient permettre d’identifier le petit cadavre. En effet, le personnel de la police judiciaire amené par M. Guillaume était composé des mêmes agents qui se livraient à des recherches dans le but de découvrir les traces d’une gamine du quartier disparue depuis le 1er septembre dernier. Il s’agissait de la jeune Suzanne Barbala, dont le Matin relata la disparition.
On dépêcha auprès des membres de la famille Barbala des inspecteurs de la police judiciaire. Ils revinrent bientôt, accompagnés de M. Oudin, l’ami, de Mme Barbala et qui vit avec celle-ci, ainsi que de plusieurs parents de la jeune Suzanne. Mis en présence du cadavre, les uns et les autres, malgré la terrible émotion qui les étreignait tous, furent unanimes à reconnaître les chaussures, les chaussettes et les boucles d’oreilles. M. Oudin reconnut, en outre, la fille de son amie à la dentition particulière de la petite victime. Le cadavre était bien celui de Suzanne Barbala.
Cependant, ni le tablier noir de femme ni le pantalon trouvés auprès du corps n’avaient fait partie des vêtements portés par la victime. Ces chiffons avaient dû servir à l’assassin pour envelopper et transporter les débris de celle qu’il avait tuée.
Comment disparut Suzanne
Le vendredi soir, 1er septembre, M. Oudin se présentait au commissariat de police du quartier de la Maison-Blanche pour déclarer, au nom de la compagne avec laquelle il vit — Mme Barbala, une jeune veuve de guerre, demeurant, 4, boulevard de Port-Royal — que Suzanne-Odette Barbala — elle allait avoir onze ans cinq jours plus tard — avait disparu mystérieusement dans l’après-midi. La fillette, rentrée la veille de Viarmes où elle avait passé un mois chez des parents, avait quitté, vers 13 h. 30, le domicile de sa mère pour se rendre, ainsi qu’elle le faisait fréquemment, auprès de la mère de M. Oudin, rue des Plantes, au Kremlin-Bicêtre.
Elle devait s’arrêter à la pharmacie Clémençon, 74, avenue d’Italie, et y déposer une ordonnance à exécuter. Au retour du Kremlin, la fillette prendrait à la pharmacie, vers 16 heures, les médicaments commandés. On n’avait pas revu l’enfant depuis. Elle n’avait pas paru chez la mère de M. Oudin et l’on perdait sa trace à la sortie de la pharmacie Clémençon, où, vers 14 heures, elle avait déposé l’ordonnance.
Nous avons vu, peu après la reconnaissance du cadavre, M. Oudin et les parents de Suzanne Barbala. Aucun d’eux ne peut apporter le moindre fait qui permette de faire la lumière sur les circonstances dans lesquelles disparut la jeune Suzanne. M. Oudin nous a déclaré :
— Je suis dans l’impossibilité de formuler une hypothèse. Suzanne était jolie, bien portante et intelligente. Rarement elle sortait seule ; cependant, assez régulièrement, le jeudi, elle se rendait chez sa mère, au Kremlin. Elle suivait l’avenue d’Italie, passait devant le cinéma où ses restes viennent d’être découverts. Elle était d’un caractère un peu sauvage et ne se liait pas facilement. Je suis persuadé qu’elle n’a pu être emmenée que car quelqu’un qui la connaissait, Mais par qui La police a cherché, fouillé autour de nos familles et n’a rien découvert.
Où le crime a-t-il été commis ?
La police est assez disposée à admettre que l’assassinat de Suzanne Barbala quels que soient les résultats de l’autopsie est l’œuvre d’un sadique et que le monstre est très au courant des aîtres du cinéma Madelon. Ce point ne fait d’ailleurs aucun doute, étant donné que le sous-sol de la scène est un lieu où le personnel ne pénètre que très rarement.
— Je ne suis entré dans ce coin, nous confiait un des directeurs, M. Thiéry. qu’une fois en juillet 1920 1920 , et depuis je n’y avais jamais mis les pieds. Cependant l’endroit était connu et bien connu de l’assassin. Il est certain que la pauvre petite n’a pas été tuée ici. Sa dépouille a été apportée de l’extérieur. Quand ? Par où est passé le meurtrier ? Autant de questions auxquelles je ne puis répondre.
Le personnel du cinéma comprend : ma fille, mon associé, M. Cuvellier, qui habite Noisy-le-Sec ? ; sa femme (ma fille et Mme Cuvellier sont caissières à tour de rôle). Nous occupons de plus une pianiste, un violon, M. Brunet, instituteur de la Ville ; un opérateur M Bovery ; son aide, M. Philippot, un jeune homme de 18 ans, et la mère de celui-ci, qui aide son fils au nettoyage de la salle.
Le cinéma ouvre ses portes chaque soir vers 19 h. 30. De l’ouverture jusqu’à la fermeture, il y a toujours quelqu’un dans la salle. Les jours de matinée, le jeudi et le dimanche. la porte est ouverte à 13 heures. mais personne ne garde l’établissement entre le moment où finit la séance de l’après-midi et l’ouverture du contrôle pour la séance du soir. Il est vrai que ma fille et moi, ainsi que M. et Mme Cuvellier, prenons alors nos repas dans le restaurant contigu à rétablissement, mais la porte n’en reste pas moins ouverte.
Ce que la police recherche surtout, c’est le lieu où fut commis le crime. Et ce lieu, étant donné que Suzanne Barbala disparut à sa sortie de la pharmacie Clémençon, soit à une distance de 300 à 400 mètres de l’endroit où fut retrouvé son cadavre, la police reste persuadée qu’il n’est pas éloigné du cinéma Madelon.
C’est ainsi qu’elle se posait le problème hier en fin de journée, après que M. Guillaume, commissaire à la police judiciaire, eut entendu divers témoins directeur et employés du cinéma, voisins et parents de la fillette, et que le brigadier chef Rousselet, gagné à la conviction que Suzanne Barbala, n’avait pu suivre le premier venu, eut enquêté de son côté auprès de différentes personnes.
Toutefois, disons que la découverte près des funèbres débris d’un tablier et d’un pantalon de femme a fait admettre chez certains enquêteurs l’hypothèse d’un crime ayant pu être commis par une femme, s’étant terriblement vengée.
L’étrange assassinat de Suzanne Barbala
Où la météorologie pourrait peut-être apporter quelques lueurs dans les ténèbres
Les services de la police judiciaire poursuivent activement leur enquête afin d’établir dans quelles circonstances la petite Suzanne Barbala, au cours de l’après-midi du vendredi 1er septembre, interrompit sa route entre la pharmacie Clémençon, où elle se trouvait à 14 h 15, et le domicile de Mme Oudin, au Kremlin-Bicêtre, où elle se rendait, pour écouter et suivre le mystérieux inconnu qui devait l’assassiner.
Ces circonstances, ne pouvait-on les trouver dans les conditions atmosphériques qui auraient pu obliger la fillette à se mettre à l’abri au long de son chemin ? C’est ce que nous ayons eu l’idée hier de rechercher.
De la pharmacie Clémençon au Madelon-Cinéma
La pharmacie Clémençon, où répétons-le, la petite Suzanne Barbala se trouvait à 14 h 15, est située avenue d’Italie, du même côté que le Madelon-Cinéma. La fillette, par conséquent, pour se rendre à la porte d’Italie, suivait normalement ce côté de la voie. Il lui fallait environ un quart d’heure de son pas menu et musard pour arriver à hauteur du Madelon-Cinéma.
Il était donc environ 14 h 30 lorsqu’elle se trouvait en ce point de l’avenue d’Italie. Et c’est ici que notre enquête sur les conditions atmosphériques de cet après-midi du vendredi 1er septembre commence à prendre un certain intérêt.
Et voici ce que nous relevons sur le livre de l’observatoire du parc Montsouris pour cet après-midi du vendredi 1er septembre :
À 14 h 30, gouttes d’eau jusqu’à 15 heures.
Ainsi, à 14 h 30, heure à laquelle la petite Suzanne Barbala arrive devant le Madelon-Cinéma, la pluie commence à tomber.
À cet instant, un abri est là tout proche et tentateur par les belles images qui s’y trouvent. C’est le hall d’entrée du Madelon-Cinéma. Mais la grille est-elle ouverte à ce moment ? Nous sommes allé le demander hier à l’opérateur de l’établissement, M. Albert Boverie, qui, ce même vendredi, était venu là préparer les films du nouveau spectacle du soir.
— À quelle heure ce jour-là, lui avons-nous demandé, avez-vous quitté le Madelon-Cinéma pour aller déjeuner ?
— Je ne saurais vous le préciser, nous a-t-il répondu. Il était peut-être une heure, une heure et demie, peut-être deux heures, peut-être plus. Ce n’est jamais régulier et il m’arrive quelquefois de déjeuner ces jours-là à trois heures de l’après-midi.
— Cependant, lui avons-nous fait remarquer, il est un point qui peut rafraîchir votre mémoire. Ce jour-là il a plu à partir de 14 h 30. Si vous étiez dehors pour rentrer déjeuner chez vous, à Malakoff, vous avez certainement été mouillé.
— Je ne m’en souviens pas du tout, d’autant qu’avant de rentrer à Malakoff, j’ai l’habitude d’aller chez un marchand de vin voisin du cinéma prendre l’apéritif. Je pouvais me trouver dans ce débit au moment de la pluie.
— Mais avant de vous rendre chez ce marchand de vin, fermez-vous la grille du cinéma ?
— Non. J’ai l’habitude de la laisser entrebâillée et je ne viens la refermer au cadenas avec la clé que je possède qu’au moment de rentrer chez moi à Malakoff.
— Ainsi, pendant que vous prenez l’apéritif, quelqu’un peut donc s’introduire à votre insu dans le cinéma et venir s’y mettre à l’abri ?
— Assurément.
Voilà, n’est-il pas vrai, qui apporte quelque éclaircissement. La petite Suzanne Barbala prise par la pluie devant le cinéma dont la grille est entre-baillée, y pénètre. Quelqu’un est là, près d’elle, qui est venu, comme elle, s’abriter et attend la fin du mauvais temps. Mais loin de cesser, cette pluie va s’aggraver.
Et c’est encore le registre de l’observatoire de Montsouris qui va nous fixer. Nous y relevons ce qui suit :
À 15 heures 9, l’orage éclata et va durer jusqu’à 15 heures 35, avec pluie très abondante qui, en vingt minutes, accuse au pluviomètre une chute de 6 millimètres. À 15 h 10, deux coups de tonnerre très violents avec éclairs, la pluie redouble. La direction de l’orage est au-dessus de la région S.-S.-E. À 15 h 11, nouvel éclair très vif. À 15 h 13, nouveau coup de tonnerre avec éclair.
Et cela dure jusqu’à 15 heures 35.
On peut alors imaginer la peur de la petite Suzanne Barbala devant cet ouragan et ces éclairs. L’homme qui est près d’elle et qui est témoin de sa frayeur l’engage à venir se mettre à l’abri un peu plus loin en pénétrant dans la salle vide du cinéma, dont les portes s’ouvrent librement. Et là le crime odieux s’accomplit, tandis qu’au dehors l’orage gronde et sévit.
L’assassin de Suzanne Barbala reste introuvable
Aucun fait nouveau n’est venu éclaircir l’épais mystère qui entoure l’horrible fin de la petite Suzanne Barbala.
Des bruits vagues avaient couru dans le quartier de la place d’Italie d’après lesquels la fillette pouvait avoir été la victime d’un individu qui, au cours des sorties de l’enfant, était parvenu à se lier peu à peu avec elle en lui offrant des bonbons. Et l’on ajoutait, sans préciser, que la jeune Suzanne avait parlé des attentions dont elle était l’objet de la part de l’inconnu.
Nous sommes allé demander aux parents de la fillette ce qu’ils pensaient de cette hypothèse.
À aucun moment, nous ont-ils répondu, Suzanne n’a parlé des faits que vous nous rapportez et nous ne savons pas qu’elle ait fait à ce sujet des confidences à ses petites amies.
Ce que pense le directeur du Madelon-Cinéma
M. Cuvillier, l’associé de M. Thiéry, directeur du Madolon-Cinéma, ne partage pas l’opinion que le crime a pu être commis dans son établissement :
— Non ! non ! ce n’est pas ici que le monstrueux assassin de la petite victime a accompli son forfait, nous a-t-il déclaré. Je crois, moi aussi, que le crime a été commis non loin de notre salle et que le cadavre a été déposé ici par un homme qui l’avait dépecé sur le lieu où se déroula le drame, afin de pouvoir l’emporter plus facilement, dans une valise peut-être, dans l’intention d’aller l’inhumer sur la zone ou de le jeter à la Seine.
Le meurtrier est peut-être du quartier ; il connaît notre salle. Il est passé devant le cinéma. La porte était ouverte (cela arrive fréquemment quand le balayeur va déjeuner)… L’homme est entré… La salle était vide…
Le crime mystérieux du Madelon-Cinéma
Où les ténèbres semblent un peu s’éclaircir
Après avoir examiné toutes les hypothèses et donné successivement à chacune des inconnues de l’angoissant problème les valeurs susceptibles d’être adaptées à la mort mystérieuse de la petite Suzanne Barbala, la police judiciaire semble s’arrêter pour l’instant à la version conforme jusqu’ici aux faits constatés, à leur ordre chronologique et conséquemment à la raison, savoir :
C’est à l’intérieur même du Madelon-Cinéma, où elle était venue s’abriter contre l’orage, que la fillette fut outragée et périt asphyxiée, sous la main de son monstrueux agresseur qui s’efforçait d’étouffer ses cris et ses appels au secours, tandis qu’au dehors grondait le tonnerre et l’ouragan.
Et, cette hypothèse admise, à moins que d’autres faits demain ne la viennent controuver, la suite de l’horrible drame trouve cette explication logique :
Devant la réalité, l’homme s’affole. Laisser ce cadavre là et s’enfuir… Impossible. Il y a représentation le même soir et les soupçons ne pourront manquer d’effleurer aussitôt celui-là seul qui, au moment de la mort de la petite Suzanne, avait pu se trouver avec elle dans le cinéma vide.
À tout prix, il faut dissimuler le corps. Le temps presse. On peut venir. Il n’y a qu’un moyen : traîner le cadavre sous la scène dans ce réduit obscur où le criminel sait qu’on ne va jamais. Après, on verra.
Ainsi fut fait, rapidement, dans l’angoisse de la peur.
Cependant les jours passent. Le criminel ne doute pas que son forfait ne pourra demeurer longtemps ignoré. Un moment viendra où les émanations du cadavre abandonné donneront l’éveil. Ne vaudrait-il pas mieux le faire disparaître de là ? Mais où ? Puis comment le sortir, même la nuit ?… L’avenue d’Italie est particulièrement animée. C’est le chemin suivi nuitamment par de nombreuses voitures de maraîchers se rendant aux Halles. Et, peu à peu, l’idée du dépeçage naît dans l’esprit du coupable. C’est par fragments qu’il emportera les restes de sa petite victime. Un après-midi, alors que tout est tranquille dans le Madelon-Cinéma, qu’il est sûr que nul ne viendra l’y déranger, il accomplit l’horrible besogne. Et, ce jour-là même, un premier paquet sort, sous son bras. Ce sont les vêtements de l’enfant, car, pour cette première fois, il n’a osé emporter que cela. Du moins, est-ce le moins compromettant, et il aura pu juger par ce premier essai des moyens propres à se débarrasser du reste, sans trop de risques, les jours suivants. Où jette-t-il ces vêtements ? Dans le fossé des fortifications, dans quelque égout ? Les dissémine-t-il, en lambeaux, dans les poubelles des alentours ?… Cette dernière hypothèse est assez vraisemblable.
Mais, dans les jours qui suivent, quand il faut songer à enlever les horribles débris, le cœur lui manque. Il en remet le soin de lendemain en lendemain. Et puis l’instant vient où il est trop tard. L’effroyable odeur a attiré l’attention. Et le crime est découvert… en attendant — ce qui semble proche — que soit arrêté l’assassin.
Telle est, à cette heure, la version vers laquelle la police judiciaire porte toute son attention. On objecte : « Mais le dépeçage du corps n’a laissé aucune trace. » On peut répondre : « En maintes autres circonstances où des criminels, dans le même but de faire disparaître le corps de leur victime, avaient ainsi procédé, nulle trace de sang n’était restée de l’affreuse besogne. Exemples le sommelier Jobin, assassiné le 23 mars 1920 1920 par son camarade Burger, 354, rue de Vaugirard ; Élise Vandamme, morte le 26 février 1910 1910 chez le forçat évadé Charles Ferdinand, 40, rue des Marais ; les victimes de Landru, et combien d’autres… »
Recherches et perquisitions
Mais M. Guillaume, l’habile commissaire de la police judiciaire qui, avec M. Pineau, secrétaire de ce service, dirige les investigations, n’a garde de négliger, malgré la logique serrée de l’hypothèse momentanément admise, les diverses indications qui lui sont fournies. Il sait qu’un vrai policier doit se méfier de ses nerfs et ne compter que sur son cerveau. Hier, on vint lui signaler l’existence d’une cave abandonnée depuis longtemps, sous le péristyle du Madelon-Cinéma. Il s’y rendit avec M. Pineau, l’inspecteur principal Bethuel et les photographes du service anthropométrique, mais n’y découvrit rien de suspect. Il en profita pour examiner le toit de l’établissement et celui des baraquements qui y sont adossés, au cas où quelqu’un, venant de l’extérieur avec le cadavre, se serait introduit dans la salle par un des vasistas de la toiture. Nulle trace d’une telle escalade n’y apparaissait.
Il est aussi question dans le quartier de la porte d’Italie d’un brocanteur de Bicêtre qui, ces jours-ci, racontait avoir remarqué, vers le début de septembre, avenue d’Italie, un individu porteur d’une volumineuse valise paraissant contenir de lourds paquets. On va rechercher ce brocanteur et l’entendre. Mais, de tout cela, que vaut l’aune ?…
Le mystère du Madelon-Cinéma
L’homme à la valise serait un honorable brocanteur de Bicêtre
Avec une inlassable activité, M. Guillaume, commissaire de la police judiciaire, secondé par M. Pineau, secrétaire de ce service, et de ses perspicaces et dévoués inspecteurs, poursuit les investigations.
Toutes, jusqu’ici, le ramènent au Madelon-Cinéma, y fixent le mystérieux forfait avec une certitude de plus en plus grande.
Au Palais, le crime étrange de l’avenue d’Italie faisait hier l’objet de maintes conversations. La thèse adoptée à cette heure par la police y apparaissait comme la seule logique. Ceux qui connaissent les détails de l’enquête si habilement menée par le quai des Orfèvres consentaient à exposer :
— Jusqu’ici toute autre version que celle du crime accompli loin du Madelon-Cinéma parait difficilement acceptable. Comment supposer, en effet, que l’homme, entre les mains de qui venait de succomber la malheureuse petite Suzanne Barbala, et qui se trouvait alors aux prises avec les angoisses de la pire terreur, allait encore courir de nouveaux risques en apportant dans ce cinéma, dont il lui faudrait peut-être fracturer la porte, à travers un quartier animé jour et nuit, les restes de sa victime ? Étranges et dangereuses complications, à la vérité… Songez qu’il avait cent autres moyens pour essayer de faire disparaître les traces de son crime. À quelques mètres du Madelon-Cinéma (en supposant qu’il ait eu l’audace de suivre l’avenue d’Italie avec les lugubres restes), se trouve la tranchée profonde du chemin de fer de Ceinture. N’eût-il pas eu plus vite fait de lancer son macabre fardeau par-dessus le parapet ? Quant à l’homme qui, en plein jour, à la main une valise contenant le corps dépecé, serait arrivé de la zone, aurait passé à l’octroi de la barrière, risqué la visite des employés de cet octroi… Fantaisie rumeur de commère en mal de nouvelles…
Non, la saine raison ne permet pas, à moins d’une révélation inattendue (certes, en matière criminelle, il faut s’attendre à tout) d’éloigner le crime du Madelon-Cinéma de l’intérieur de cet établissement où de ses abords les plus immédiats.
L’homme à la valise
Nous avons relaté hier qu’un brocanteur de Bicétre racontait avoir remarqué, vers le début de septembre, non loin de l’avenue d’Italie, un individu porteur d’une volumineuse valise qui paraissait contenir de lourds paquets.
Il s’agit de M. Gaillaques, dit « le père La Plume », marchand de plumes à Bicêtre, 38, rue du 14-Juillet. M. Guillaume l’a entendu dans la matinée, et nous avons nous-même joint M. Gaillaques qui nous a déclaré :
— C’était le vendredi 1er septembre, entre 17 et 18 heures. Je revenais de mon travail. Sortant de Paris non loin de l’octroi, je croisai, avenue de Fontainebleau, un homme assez grand, brun, au teint jaunâtre, paraissant âgé de 35 ans, vêtu d’un costume beige et coiffé d’un chapeau mou, dont je ne saurais plus dire la couleur. Il avait une petite moustache et semblait ne pas être rasé depuis plusieurs jours. Ce qui me le fait remarquer, c’est l’énorme valise qu’il portait péniblement. Cette valise, qui pouvait être d’une dimension de 90 centimètres sur 40 était de couleur grise, mais fort sale. L’individu se dirigeait vers l’avenue d’Italie.
La police judiciaire ne parait pas donner une bien grande importance à cette rencontre. D’ailleurs, au cours de notre enquête, nous avons vu M. Costeroste, qui tient un débit de vin tout à côté du Madelon-Cinéma. Ce commerçant nous a dit connaître parmi ses clients quelqu’un dont le signalement répondrait tout à fait à celui du porteur de la valise.
C’est un brocanteur de Bicêtre, M. Armand Avrand, très honorablement connu dans le quartier. Il lui arrive, en effet, très souvent, de passer dans l’avenue d’Italie, chargé d’une énorme valise qui lui sert à transporter les objets qu’il achète….
Il faut donc chercher autre chose.
Les obsèques de la petite victime
Les obsèques de la petite Suzanne Barbala seront célébrées cet après-midi, à 15 heures. Le corps partira du domicile de la famille, 4, boulevard de Port-Royal. La cérémonie religieuse aura lieu à l’église Saint-Médard et l’inhumation se fera au cimetière du Kremlin-Bicêtre.
M. Jean Cuvillier, codirecteur de cet établissement a été entendu hier toute la journée par un commissaire de la police judiciaire
Longuement, nous avons expose jusqu’ici la thèse delà police judiciaire que, ses investigations conduisirent à admettre, comme seule version conforme à la raison, que l’assassinat de la petite Suzanne Barbala n’avait pu être commis que dans le Madelon-Cinéma. là même où devait être découvert son cadavre mutilé, et par quelqu’un fort au courant des aîtres de l’établissement.
Aussi bien tous les faits, jusqu’ici, concordent vers cette hypothèse. Tous les autres raisonnements à moins de la découverte d’un facteur nouveau et inattendu conduisent pour l’instant à l’invraisemblance et à l’absurde.
Fort d’une dialectique dont la logique paraissait indiscutable, M. Guillaume, l’habile commissaire de la police judiciaire, qui, jusqu’ici, dirigea cette enquête avec une remarquable maîtrise, avait minutieusement noté les déclarations de chacun des membres du personnel du Madelon-Cinéma, depuis l’opérateur Bovry, le balayeur Philippot, le pianiste et les deux directeurs de l’établissement, MM. Thierry et Jean Cuvillier. Toutes ces déclarations avaient été minutieusement vérifiées et soumises au plus rigoureux des contrôles.
Mais M. Guillaume a estimé que, du moins en ce qui concernait une des personnes précédemment entendues, ces vérifications n’étaient point encore suffisantes. Cette personne était M. Jean Cuvillier, codirecteur du Madeloh-Cinéma.
Et hier matin, dès 7 h 30, M. Pineau, secrétaire de la police judiciaire, accompagné de l’inspecteur principal Rousselet, se présentait, 58, rue Denfert-Rochereau, à Noisy-le-Sec, où M. Jean Cuvillier occupe avec sa femme un petit pavillon.
Il invita l’associé de M. Thierry à se rendre avec lui quai des Orfèvres, aux services de la police judiciaire, où l’on avait divers renseignements nouveaux à lui demander.
— Mais j’ai dit tout ce que j’avais à dire, observa M. Cuvillier, et je ne vois pas, à moins de me répéter, ce que je pourrais rapporter de plus.
— N’importe, répondit M. Pineau. Nous pensons au contraire qu’une nouvelle déposition de vous peut être des plus utiles à l’enquête.
Avant de quitter la rue Denfert-Rochereau, M. Pineau procéda dans le pavillon de M. Cuvillier à une rapide visite domiciliaire. Et l’on partit pour le quai des Orfèvres.
A 8 h. 30, M. Cuvillier pénétrait dans le bureau de M. Guillaume qui, en présence de M. Pineau et de l’inspecteur principal Rousselet, commença à poser au co-directeur du Madelon-Cinéma diverses questions.
— Ces questions, expliqua M. Guillaume, nous sommes obligés de vous les poser, ainsi que nous l’avons fait avec votre associé M. -Thierry, et le personnel attaché à votre établissement.
M. Cuvillier fut invité d’abord à exposer les circonstances dans lesquelles il avait été amené à diriger le Madelon-Cinéma.
Il expliqua qu’ancien directeur d’un cinéma de Reims, il avait quitté cette ville au début des hostilités, puis qu’en raison de sa classe (il a aujourd’hui 50 ans), il avait été versé dans la réserve de l’armée territoriale et affecté à une usine de guerre.
En 1918 1918 , après l’armistice, il était venu habiter avec sa femme Noisy-le-Sec ou il avait acquis d’abord un cinéma de cette localité : l’Eden. Puis, il y a deux ans, ayant cédé cet établissement, il s’était associé avec M. Thierry, qui habite une commune proche, les Lilas, pour acheter le Madelon-Cinéma, avenue d’Italie. Il remplissait surtout, dans cette association, les fonctions de directeur technique.
Il était près de midi, lorsque cette première partie de l’audition de M. Cuvillier fut terminée.
Le co-directeur du Madelon-Cinéma fut invité à demeurer dans un des locaux du service de la police judiciaire, où on lui apporta son déjeuner.
A 14 heures, il pénétrait de nouveau dans le cabinet de M. Guillaume qui reprit avec lui sa conversation.
Le commissaire de la police judiciaire aborda encore certaines questions de détail, relatives à l’existence de M. Jean Cuvillier, alors qu’il dirigeait à Reims un établissement cinématographique près de la gare de Reims : l’American Cosmograph, 4, rue de Talleyrand.
Puis, ainsi qu’il l’avait fait pour les autres personnes rattachées au Madelon-Cinéma, M. Guillaume demanda à M. Cuvillier s’il lui était possible de se rappeler ce qu’il avait fait le vendredi 1er septembre, dans l’après-midi.
— Je puis vous répondre avec précision, répondit M. Cuvillier. Ce jour-là, j’ai passé ma matinée et mon après-midi chez moi, rue Denfert-Rochereau, à Noisy-le-Sec, dans mon pavillon d’où je ne suis sorti qu’à la fin de la journée pour me rendre, ainsi que je le fais chaque vendredi, au Madelon-Cinéma où je tiens à assister ce jour-là à la présentation du nouveau spectacle.
— Cependant, remarqua M. Guillaume, au début de l’enquête, lorsqu’on vous a demandé votre emploi du tempe du 1er septembre, vous avez répondu que vous étiez malade et couché et que vous n’aviez point quitté Noisy-le-Sec...
— En effet, répondit le co-directeur du Madelon-Cinéma. Mais, depuis, j’ai consulté mes souvenirs avec ma femme... J’ai constaté que ma mémoire, en faisant une telle déclaration, m’avait trompé. C’est dans le courant du mois d’août que j’avais été malade, et le 1er septembre, je me suis bien rendu dans la soirée au Madelon-Cinéma.
Cette conversation entre le commissaire de la police judiciaire et M. Cuvillier se prolongea jusqu’à 19 heures.
Entre temps, M. Guillaume ayant convoque M. Thierry, l’associé de M. Cuvillier, lui demanda, s’il lui était possible de se souvenir de l’heure à laquelle ce dernier était arrivé. au Madelon-Cinéma le 1er septembre.
— A plus d’un mois de distance, répondit M. Thierry, comment pourrais-je m’en souvenir. Tantôt c’est moi qui arrive le premier à notre cinéma pour la représentation du soir, tantôt c’est mon associé. Dire qui, de lui ou de moi, ce jour-là, devança l’autre, je ne le saurais...
Cependant, M. Guillaume avait encore de nombreuses questions à poser à M. Cuvillier. Pour ne pas perdre de temps, il lui annonça qu’il désirait le voir reste encore momentanément à la police judiciaire où on lui apporterait à dîner et où on lui prépaierait un lit pour la nuit.
M. Cuvillier dut accepter, mais c’est en vain que le commissaire de la police judiciaire tenta, après le dîner, de poursuivre l’audition du codirecteur du Madelon-Cinéma.
— Cette conversation d’une journée avec M. Guillaume, déclara M. Cuvillier, m’a exténué et je serais incapable de la reprendre maintenant. Je ne lui répondrai que demain.
M. Guillaume dut s’incliner.
Chez Mme Cuvillier
Nous, avons joint, dans la soirée d’hier, Mme Cuvillier qui nous a déclaré :
— En affirmant qu’il ne s’était rendut au Madelon-Cinéma que vers le soir, mon mari dit la vérité. Je ne sais s’il est arrêté. On est venu le chercher ce matin, on l’a gardé tout l’après-midi à la disposition de la police judiciaire, et je ne l’ai pas encore revu. Les soupçons se portent-ils sur lui ? En tout cas, je vous affirme qu’il n’est pas coupable !
Nous nous récrions :
— Il n’est pas question de culpabilité !
— Alors, pourquoi ne revient-il pas ? Il y a là quelque chose d’étrange et de monstrueux !
Et la voix mouillée de larmes, Mme Cuvillier reprend :
— Non, non, il n’est pas coupable, je le jure !
Nous demandons :
— Mais sur quoi vous basez-vous pour le répéter avec tant de force ?
— Mais mon mari n’est parti que par son train de 17h. 40. Il n’a donc pas pu arriver avant 19 heures au Madelon-Cinéma.
— Comment, à un mois de distance, pouvez-vous avoir des souvenirs si précis ?
— Parce que mon mari ne manquait jamais à ses habitudes ; j’aurais donc sûrement remarqué ce fait s’il s’était absenté le vendredi 1er septembre, avant l’heure accoutumée.
Les obsèques de la petite victime
C’est hier après-midi que les obsèques de la petite Suzanne Barbala ont été çélébrées au milieu d’une affluence considérable et émue. La levée du pauvre petit corps a eu lieu au domicile des parents, 4, boulevard de Port-Royal. De nombreux curieux stationnaient devant la maison mortuaire. Des mains pieuses avaient apporté des fleurs et c’est orné de gerbes multicolores d’automne que le char funèbre se dirigea vers l’église Saint-Médard, où fut célébrée, à 15 heures, la cérémonie religieuse.
L’assassinat de Suzanne Barbala
Suspecté mais non convaincu d’être fauteur de ce forfait commis par lui à Reims
Il va être transféré dans cette ville
Après des heures d’insomnie sur le lit de planches de la « chambre de surveillance » où il avait été conduit vers minuit et demi, Jean Cuvillier, codirecteur du Madelon-Cinéma, avait été ramené hier matin dans les bureaux de la police judiciaire, où M. Pineau, l’actif et perspicace secrétaire de ce service, reprit l’audition, commencée la veille par M. Guillaume.
Mais cette nouvelle « conversation » ne devait pas donner plus de résultats, malgré les précisions apportées cette fois à Jean Cuvillier sur ses antécédents, et plus particulièrement sur les faits qui, en juillet 1914 1914 , avaient déterminé son arrestation à Reims.
— Oui, se contentait de répondre le codirecteur du « Madelon-Cinéma », tous ces faits sont exacts, et je reconnais que j’étais un triste personnage. Mais je ne suis pas pour cela un assassin, et il reste à prouver que c’est moi qui ai outragé et tué la petite Suzanna Barbala. D’ailleurs, comment eussé-je fait ? Jamais je ne suis venu à Paris un vendredi après-midi, ni un samedi après-midi depuis plusieurs mois… Ces jours-là, je ne quitte jamais Noisy-le-Sec avant la fin de l’après-midi pour prendre le train de 17 h 40. Or, c’est au commencement de l’après-midi du vendredi 1er septembre que la petite Barbala fut tuée. Ce jour-là, je ne suis arrivé au « Madelon-Cinéma » qu’après 7 heures du soir. On ne peut donc m’accuser.
— Cependant, reprit M. Pineau, vous reconnaîtrez que vos antécédents fâcheux prouvent que vous êtes singulièrement sujet à caution et coutumier du fait ? Depuis plus de quinze ans, vous avez été maintes fois l’objet de plaintes, de la part de parents dont les fillettes — certaines avaient à peine 8 ans — n’avaient échappé que par la fuite à vos odieuses sollicitations. Nous venons même de recevoir la déclaration d’une jeune femme de Rouvray-en-Santerre, votre pays natal, celui où vous étiez établi épicier-charcutier… Cette jeune femme nous a déclaré qu’alors qu’elle avait 11 ans, vous aviez failli l’étrangler en lui serrant la gorge, afin d’étouffer ses cris et les appels au secours qu’elle lançait pour échapper votre attaque…
— Oui, je me souviens de cela, reconnut Jean Cuvillier, et je vois que vous êtes bien renseigné. Mais cette jeune femme exagère. Je n’ai jamais voulu l’étrangler, et elle s’est trompée alors sur mes intentions. En tous cas, cela ne prouve toujours pas que j’aie assassiné Suzanne Barbala.
Mais sans tenir compte de cette protestation, Pineau poursuivait :
— Outre ces faits passés, nous pouvons à bon droit nous étonner de votre attitude depuis quelques jours. Trois jours avant votre arrestation, presque au lendemain de la découverte du cadavre de la fillette, nous avons reçu de vous, ici, à la police judiciaire, une lettre où vous nous indiquiez la piste d’un certain homme, porteur d’une valise, que vous aviez vu rôder au début de septembre autour du Madelon-Cinéma. Même, ajoutiez-vous, vous aviez fait remarquer cet homme à votre associé, M. Thierry, et à sa fille. Or nous avons parlé de cette histoire à M. Thierry et à Mlle Thierry, l’un et l’autre affirment que vous ne les avez jamais entretenus d’un tel fait…
— Cela prouve simplement qu’ils n’ont pas de mémoire, repartit Jean Cuvillier, dont une abondante sueur couvrait le front.
— D’autre part, continuait M. Pineau, nous avons ici un rapport du brigadier de police Duvanchel, attaché au commissariat de Noisy-le-Sec. Ce rapport qui vous concerne, est pour le moins curieux. C’est ce fonctionnaire qui avait été chargé de vous prier d’aller chez le commissaire, lequel devait vous prévenir qu’on avait découvert dans votre cinéma un cadavre de fillette. Il venait à peine de vous faire part de cette convocation que vous fûtes pris d’un tremblement nerveux tel que, effaré, le brigadier Duvanchel crut devoir vous dire :
» — Mais qu’avez-vous ? Une convocation chez le commissaire de police ne justifie pas une semblable émotion. Le patron a simplement mission de vous annoncer qu’on a trouvé, avenue d’Italie, dans le cinéma que vous dirigez, un cadavre dépecé…
» Alors, seulement, vous vous reprîtes à respirer et, sans que rien dans ce que vous avait dit d’abord le brigadier se fût rapporté à votre cinéma, vous déclarâtes, plus calme en apparence :
» — J’ai eu si peur… J’ai pensé tout d’abord que le commissaire m’appelait pour m’annoncer que le feu avait détruit mon établissement.
» Or, rien, je vous le répète, ne justifiait une telle déclaration de votre part. Votre attitude parut si étrange au brigadier Duvanchel qu’il crut devoir la consigner dans un rapport qu’il adressa à son commissaire de police.
— L’impression de ce fonctionnaire justifie-t-elle une accusation d’assassinat repartit une fois de plus Jean Cuvillier.
Et la conversation avec M. Pineau se poursuivit sur cette note jusqu’à midi, heure à laquelle on apporta détonner au codirecteur du Madelon-Cinéma. Elle reprit l’après-midi, mais sans plus de résultats. Prouvez-moi que je suis un assassin avant de m’accuser, ne cessait de répéter, comme un leitmotiv, Jean Cuvillier.
Un mandat d’arrêt
Pendant ce temps, le brigadier Rousselot, de la police judiciaire, qui avait quitté Paris le matin même pour Reims, poursuivait dans cette ville l’enquête commencée dimanche dernier par ses inspecteurs.
Il revenait hier-soir, porteur d’un mandat d’arrêt signé de M. Malvezy, juge d’instruction de Reims, contre Jean Cuvillier, inculpé d’attentats odieux contre plusieurs fillettes de la ville. Ces faits étaient ceux qui, en juillet 1914 1914 , avaient déterminé l’incarcération de Jean Cuvillier, alors directeur de l’American Cosmograph, rue Talleyrand. Qualifiés « crimes » par la loi, ils ne sont pas encore prescrits.
Ainsi que nous l’avons dit hier, l’arrivée des Allemands à Reims avait permis à Cuvillier d’être remis en liberté après deux mois de prison préventive. Son dossier qui, avec les autres dossiers du palais de justice de Reims, avait été enfermé alors dans la crypte du monument, fut retrouvé voici deux ou trois jours. Il permettra au magistrat rémois de reprendre entièrement les poursuites engagées alors.
Hier soir, Cuvillier a quitté les locaux de la police judiciaire et a été incarcéré au Dépôt.
Aujourd’hui, il sera conduit au petit parquet où on lui signifiera le mandat d’arrêt lancé contre lui par le juge d’instruction de Reims. Après quoi, il sera incessamment transféré à la prison de cette ville. L’enquête, néanmoins, va se poursuivre à Paris sur l’assassinat de Suzanne Barbala. On va remettre en outre à un expert deux rasoirs saisis avant-hier chez Cuvillier au cours de la perquisition opérée chez lui, et dont la lame brisée de l’un d’eux paraît avoir été repassée depuis peu de temps. Pourtant, interrogé à brûle-pourpoint, Cuvillier a déclaré qu’il ne se servait jamais de ce rasoir.
Des investigations vont être menées également au Havre où Cuvillier fut mobilisé aux Tréfileries après son élargissement de la prison de Reims, au Pré-Saint-Gervais où il dirigea d’abord un cinéma après sa démobilisation, et, à Saint-Quentin où, avant la guerre, il dirigeait un autre établissement cinématographique, concurremment à l’American Cosmograph de Reims. On va rechercher si, dans ces localités, il ne fut pas l’objet de plaintes semblables à celles qui déterminèrent son arrestation à Reims.
Jean Cuvillier est né le 30 octobre 1868 1868 à Rouvroy, dans la Somme. Il est donc âgé de 54 ans.
Jean Cuvillier proteste toujours de son innocence
Il prétend même aider la justice à trouver le coupable
Malgré ses regrettables antécédents, qu’il a reconnus sans chercher à en atténuer la gravité, Jean Cuvillier, codirecteur du Madelon-Cinéma, incarcéré depuis avant-hiver à la prison du Dépôt, persiste dans ses protestations de la première heure. Mieux, voici maintenant qu’il s’offre à aider la police dans ses recherches. S’agit-il là d’une attitude de commande, dans l’espoir d’ébranler les soupçons de ses accusateurs, ou bien cette attitude est-elle sincère ? Il paraît difficile de conclure, et on doit reconnaître en toute impartialité que, n’était la conduite passée de cet homme à l’égard des fillettes qui — aujourd’hui jeunes femmes — maintiennent leurs accusations d’autrefois, nulle preuve tangible n’a ,pu être recueillie contre lui à l’égard du crime odieux dont fut victime la malheureuse petite Suzanne Barbala.
Voici, du moins, ce que fut la nouvelle journée des investigations menées hier par la police judiciaire.
La « collaboration » de Jean Cuvillier
Hier matin, vers 9 heures, Jean Cuvillier, qui avait passé la nuit au Dépôt, fut conduit au petit parquet, devant M. Delalée, juge d’instruction, à qui incombait la mission de lui signifier le mandat d’arrêt dont il était l’objet de la part du juge d’instruction de Reims pour ses attentats de 1914 1914 .
Disons tout de suite que, dans l’après-midi, le magistrat rémois allait télégraphier au, parquet de la Seine qu’en présence des soupçons portés contre Cuvillier dans l’affaire du Madelon-Cinéma, il se dessaisissait, au profit de son collègue parisien, des poursuites intentées par le parquet de Reims.
Dès les premiers mots de M. Delalée, Jean Cuvillier déclara :
— Certes monsieur le juge, je reconnais. que je fus grandement coupable à Reims et que, là, je mérite d’être poursuivi. Mais J’affirme que je suis innocent de la mort de Suzanne Barbala, que je n’ai jamais vue. D’ailleurs, à ce sujet, j’aurais peut-être des choses intéressantes à dire, si toutefois vous voulez m’entendre tout de suite.
— Je n’ai aucune qualité pour le faire, répondit le juge du petit parquet. Mais je peux vous faire ramener à la police judiciaire ou, si vous avez vraiment une révélation à fournir, vous n’aurez qu’à parler.
On conduisit Jean Cuvillier, aux bureaux du quai des Orfèvres, devant M. Pineau, secrétaire de la police judiciaire.
— Jusqu’ici, dit Cuvillier, je n’ai pu que protester devant vous de l’accusation dont je suis l’objet. Mais peut-être, avec moi, avez-vous mieux à faire si vous voulez accepter ma « collaboration » pour rechercher le coupable. Vous n’avez qui entendre d’abord ceux que je vous désignerai.
Et il prononça divers noms.
Quelques instants plus tard, une automobile de la police judiciaire partait, à Malakoff, chez M. Bovry, opérateur du Madelon-Cinéma, qu’on invitait à venir tout de suite, ainsi qu’une dame Guyot, couturière, avec qui il vit, aux bureaux de la police judiciaire. On alla ensuite quérir le jeune Philippot, nettoyeur au Madelon-Cinéma, lequel habite chez sa mère, 172, avenue d’Italie. Mme Philippot fut également priée d’accompagner son fils.
Une journée de renseignements
Tour à tour, M. Bovry,. puis M. Philippot, exposèrent à M. Pineau l’emploi de leur temps dans la journée du vendredi 1er septembre, jour où disparut Suzanne Barbala, et ou elle fut vraisemblablement assassinée.
M. Bovry, qui a 24 ans, déclara en substance :
— J’ai passé ma matinée du vendredi dans les diverses maisons de location de films avec qui nous traitons. Puis je suis revenu vers midi avec les nouveaux films destinés au nouveau programme du soir. Je les ai roulés sur les bobines de mon appareil. Ensuite, autant que je puisse m’en souvenir, j’ai quitté l’avenue d’Italie vers 13 heures ou 13 heures 30 pour rentrer déjeuner chez moi, à Malakoff, où je suis resté jusqu’à 19 heures environ, heure à laquelle je suis revenu prendre mon service au Madelon-Cinéma.
— Avant de quitter Madelon-Cinéma à 13 heures, demanda M. Pineau, avez-vous vu y venir M. Cuvillier ?
— Non. M. Cuvillier ne venait au cinéma que le soir, et, hormis les matinées du jeudi et du dimanche, je ne l’ai jamais vu l’après-midi avenue d’Italie.
De son côté, le petit balayeur Philippot, âgé de 18 ans, exposa que, le vendredi 1er septembre, il avait passé sa matinée dans une compagnie d’assurances, qu’il était rentré déjeuner chez lui vers midi, qu’après déjeuner il était allé dans un tarage de Bicêtre voir une roue libre de bicyclette dont on lui offrait l’acquisition, et qu’il n’était revenu au Madelon-Cinéma, pour sa besogne de nettoyage, que vers 16 h. 30.
— J’ai balayé la salle, ainsi qu’à l’habitude, déclare-t-il, mais je n’ai rien remarqué de suspect. Je puis affirmer en outre- que je n’y ai pas rencontré M. Cuvillier, lequel, d’ailleurs, je n’ai jamais vu au cinéma l’après-midi.
Il était 19 heures lorsque se termina l’audition de M. Bovry. Celle du jeune Philippot se prolongea jusqu’à 20 h. 30. Leurs déclarations, qui furent faites en partie en présence de Jean Cuvillier, furent confirmées respectivement par Mme Guyot et pari Mme Philippot mère.
Mme Guyot a tenu à exposer à M. Pineau que, vers la mi-septembre, elle demanda à M. Cuvillier pourquoi, pour la saison d’hiver, il ne songeait pas à faire paraître, entre les films, sur la scène du Madelon-Cinéma, des chanteurs et des chanteuses, comme autrefois.
— On me donnerait 1.000 francs par Jour. répondit nerveusement M. Cuvillier, que je n’accepterais pas de compliquer ainsi mon : spectacle.
Et Mme Guyot ajouta que, selon elle, M. Cuvillier se souciait fort peu d’introduire dans la loge, sur laquelle ouvrait la porte basse donnant accès au-dessous de la scène, des personnes susceptibles.de remarquer la présence du petit cadavre.
Mais ce n’est là, évidemment, qu’une impression.
Nous avons joint M. Bovry a sa sortie de la police judiciaire.
— Vous me voyez indigné, nous a-t-il déclaré. Ce matin, M. Cuvillier n’a-t-il pas osé m’accuser devant M. Pineau d’être le coupable. Il basait son accusation sur une prétendue nervosité qu’il aurait constatée chez moi au début de septembre. Tout cela parce que, un soir qu’il venait dans ma cabine m’adresser des reproches au sujet du manque de luminosité de l’écran, je l’ai envoyé promener...
Mais M. Pineau a vu tout de suite ce que valait une telle accusation, et il ne s’est point gêné pour le dire à M. Cuvillier. Pourtant, moi, je n’accuse point cet homme dont je n’ai pas toujours eu à me louer, et, tant qu’on n’aura pas fait la preuve de son crime, je me refuserai à croire qu’il puisse être un assassin.
M. Pineau a convoqué pour aujourd’hui un certain nombre de témoins dont il poursuivra l’audition.
Cuvillier, dit « Nathalis » à Saint-Quentin
Saint-Quentin, 6 octobre. — Téléph. Matin. — Jean Cuvillier, alors qu’il venait de vendre son fonds d’épicier-charcutier à Rouvroy-en-Santerre, vint, en 1910 1910 , s’installer à Saint-Quentin. Grâce à la dot de sa femme il devint acquéreur et directeur du « Cinéma-Cirque de Saint-Quentin ». Vers la fin de 1913 1913 , Cuvillier alla s’installer à Reims.
Durant son séjour à Saint-Quentin, Jean Cuvillier, plus connu sous le sobriquet de « Nathalis », avait la réputation d’être un homme volage, cherchant à se lier à de très jeunes filles. Mais la police n’eut jamais à enquêter au sujet de ses aventures galantes.
Cuvillier est à la Santé
Inculpé d’attentats commis à Reims en 1914 1914 , il se défend devant le juge d’instruction d’avoir assassiné la petite Barbala
Tandis que la police judiciaire poursuit ses investigations pour établir l’emploi exact du temps de Jean Cuvillier le vendredi 1er septembre, le codirecteur du Madelon-Cinéma s’est vu confirmer hier par M. Bacquart, juge d’instruction, sa mise sous « mandat de dépôt » à la suite du mandat d’arrêt lancé contre lui par le parquet de Reims.
Extrait à 16 h. 30 du Dépôt, Jean Cuvillier fut mené aussitôt au cabinet du magistrat instructeur, qui lui annonça qu’il était poursuivi sous l’inculpation des attentats dont il s’était rendu coupable à Reims, en 1914 1914 , attentats qui avaient déterminé alors son arrestation.
— Oh ! ces faits pour lesquels, certes, je mérite d’être puni, ne sont que peu de chose, répondit le codirecteur du Madelon-Cinéma, auprès de l’effroyable accusation portée contre moi. Sans doute, mes fautes passées expliquent et justifient les suspicions de la police judiciaire. Mais, devant vous, monsieur le juge, je veux protester, une fois de plus, de mon innocence. Je ne suis pas un assassin.
M. Bacquart expliqua à Jean Cuvillier qu’il n’était pas inculpé pour l’instant du crime du Madelon-Cinéma.
— Je ne suis chargé jusqu’ici, dit le juge, que d’instruire les faits de 1914 1914 , non encore prescrits, et dont le juge d’instruction de Reims, qui s’est dessaisi de l’information les concernant, m’a adressé le dossier. J’ignore officiellement le reste...
Cuvillier refuse d’embrasser sa femme
Mais comme on allait emmener Jean Cuvillier à la prison de la Santé, où il sera désormais incarcéré, M. Bacquart annonça à l’inculpé que Mme Cuvillier était dans le couloir proche.
— Si vous désirez embrasser votre femme avant d’être conduit en prison, dit le juge, je ne veux point m’y refuser.
— Je suis très touché de votre bienveillance, monsieur le juge. repartit Jean Cuvillier, mais je n’accepterai désormais aucune entrevue avec ma femme tant que l’assassin de la petite Suzanne Barbala n’aura pas été arrêté. Certes, ma femme ne doute pas de mon innocence, je le sais. Mais je veux que cette innocence éclate au grande jour...
Dans la soirée, Jean Cuvillier, qui a choisi comme défenseur Me Poincelet, a été conduit à la, prison de la Santé.
La journée du 1er septembre au Madelon-Cinéma
De son coté, M. Pineau, secrétaire de la police judiciaire, a recueilli les dépositions de divers témoins sur certains points de détails relatifs aux allées et venues qui purent ce produire au Madelon-Cinéma dans la journée du 1er septembre. Il entendit de nouveau l’opérateur Bovry, dont l’audition dura trois longues heures. Mais toutes ces dépositions n’apprirent rien qui ne fût connu déjà.
La fillette coupée en morceaux du Madelon-Cinéma
Aucun fait nouveau n’a marqué, pour la journée d’hier, la suite des investigations de la police judiciaire, qui s’est bornée à vérifier, mais sans résultats, certaines indications fournies par des lettres adressées quai des Orfèvres.
La plupart de ces lettres, hâtons-nous de le dire, sont anonymes.
Hier après-midi, Me Poincelet, choisi comme, avocat par Jean Cuvillier, s’est rendu à la prison de la Santé, où il a eu une longue entrevue avec son client.
Celui-ci a protesté véhémentement, devant son défenseur, de son innocence dans le crime dont il a été suspecté.
— Je suis victime, a-t-il répété une fois de plus, des faits qui, en 1914 1914 , me firent arrêter à Reims. Mais je ne suis point pour cela un assassin, et je garde toute confiance dans les suites de l’enquête de la police. Je suis persuadé qu’un jour ou l’autre elle découvrira le vrai coupable.
Cuvillier parle toujours d’aider la justice à découvrir l’assassin
Me Poincelet, avocat de Jean Cuvillier, codirecteur du Madelon-Cinéma, a eu hier une nouvelle entrevue avec son client à la prison de la Santé.
Cuvillier, qui parait maintenant entièrement maître de lui, a déclaré à son défenseur qu’il était plus décidé que jamais à aider la police judiciaire à découvrir l’auteur de l’assassinat dont il est soupçonné. Et il remit à Me Poincelet divers papiers sur lesquels il a noté des suggestions personnelles à l’égard des pistes sur lesquelles il conviendrait de s’engager.
Ces notes sont complétées par des observations que le codirecteur du Madelon-Cinéma dit avoir faites au cours du mois de septembre, avant et après la découverte du crime.
Le défenseur de Cuvillier s’est rendu ensuite au Palais de Justice, où il a remis à M. Bacquart, juge d’instruction, ces divers documents.
Cuvillier y précise certains détails qui peuvent mériter de retenir l’attention de la police judiciaire, à qui le juge les a aussitôt transmises. Il y indique les facilités dont profitaient certaines personnes, en relations immédiates avec le personnel du Madelon-Cinéma, pour pénétrer dans l’établissement en dehors des heures de représentation.
Ces indications nouvelles vont être vérifiées.
Une nouvelle piste paraissant fort sérieuse serait sur le point d’être envisagée
La police judiciaire, tout en continuant à vérifier divers points de détail, semble devoir renoncer aux suspicions qu’elle avait tout d’abord échafaudées à l’égard de Jean Cuvillier. Aussi bien, il faut le reconnaître, ces suspicions étaient singulièrement justifiées par le passé du codirecteur du Madelon-Cinéma. Mais, par ailleurs, nulle preuve de sa culpabilité dans l’assassinat de la petite Suzanne Barbala n’a pu être relevée contre lui jusqu’ici, et l’alibi qu’il invoque en affirmant qu’au moment du crime il était chez lui, à Noisy-le-Sec, paraît à cette heure confirmé.
C’est donc d’un autre côté que les enquêteurs vont devoir porter leurs investigations.
Plus que Jamais, pourtant, ils restent persuadés que le crime n’a pu être commis que par quelqu’un ayant tout loisir de circuler librement dans le Madelon-Cinéma, et sans que sa présence en cet endroit fut susceptible d’y paraître anormale. Nous croyons savoir à ce sujet qu’une nouvelle piste serait sur le point d’être envisagée. Il s’agirait d’une personne qui, pour certaines raisons ne pouvant être encore divulguées, avait la faculté de se présenter à tout moment au cinéma de l’avenue d’Italie et qui — circonstance pour la moins digne de retenir l’attention — pouvait connaître la petite Suzanne Barbala. Rappelons en outre la constatation faite par le docteur Paul, médecin légiste, au moment de l’autopsie, de la « maîtrise » — professionnelle, eût-on dit — avec laquelle avait été dépecé le cadavre de la malheureuse fillette. La concordance de ces différents points particuliers se retrouvera dans la nouvelle hypothèse envisagée.
Disons que M. Bacquart, juge d’instruction, a reçu hier le témoignage spontané d’une jeune fille ayant été, en 1914 1914 , victime de la lubricité de Jean Cuvillier.
L’assassinat de la petite Barbala
La nouvelle piste est activement suivie
Nous avons annoncé hier qu’une nouvelle piste était suivie par la police judiciaire dans l’affaire de l’assassinat de la petite Suzanne Barbala. Les investigations ont continué hier dans le même sens. Sous la direction de l’inspecteur principal Bethuel, le brigadier Rousselet et l’inspecteur Hiquet ont consacré leur journée à vérifier un point particulier auquel ils semblent attacher une grande importance. Mais rien d’absolument précis n’a pu encore être relevé.
D’autre part, M. Beyle, directeur de l’identité judiciaire, avait été chargé, nous l’avons dit, d’examiner certains objets recueillis lors des perquisitions. Il s’agissait de rechercher si l’on ne découvrait pas de traces de sang : 1° sur le tablier et la jambe de caleçon ramassés près des restes dépecés de l’enfant ; 2° sur le vieux rasoir ébréché trouvé dans un tiroir chez Jean Cuvillier ; 3° dans la sciure de bois recueillie sous la scène du cinéma de l’avenue d’Italie. M. Bayle a fait connaître hier à M. Bacquart que l’expertise sur ces divers points avait été entièrement négative.
Jean Cuvillier, le codirecteur du Madelon-Cinéma, poursuivi, ainsi que nous l’avons dit, pour des outrageas aux mœurs commis à Reims en 1914 1914 , a été conduit hier au Palais de Justice. Il ne s’agissait pas cette fois de l’inculpation dont il est l’objet, en raison de ces faits, pas plus que du crime du Madelon-Cinéma. Jean Cuvillier, assisté de son défenseur, Me Poincelet, venait tout simplement se constituer partie civile auprès du doyen des juges d’instruction, M. Guépet, au sujet d’une plainte en spéculation illicite et escroquerie que, d’accord avec son associé, M. Théry, il avait décidé depuis deux mois de porter contre les anciens propriétaires du cinéma, qui leur avaient vendu l’établissement 160.000 francs en 1920 1920 .
Les formalités d’usage une fois remplies, Jean Cuvillier a été reconduit à la Santé.
Le mystère du Madelon-Cinéma
Dans sa cellule de la prison de la Santé, Jean Cuvillier continue à annoter les observations personnelles qu’il dit avoir faites au cours du mois de septembre, et grâce auxquelles, affirme-t-il, il pourra peut-être aider la police à découvrir l’auteur du crime mystérieux. Car il proteste toujours de son innocence.
Au fur et à mesure, son défenseur, Me Poincelet, transmet ces notes au juge d’instruction, M. Bacquart, qui les communique à la police judiciaire aux fins de vérification.
On continue à recueillir les déclarations de diverses personnes. Des inspecteurs, entre autres, se sont rendus à Villejuif, 14, avenue de Paris, maison où habitèrent autrefois le père, le grand-père et la grand’mère de la petite Suzanne Barbala, et qui est toute proche de Bicêtre et de la rue Bobillot, où se rendait la fillette le jour où elle disparut. Ils en ont profité pour entendre Mme Dutac, pianiste du Madelon-Cinéma, laquelle habite cette maison, ainsi que le mari de cette dame. Leurs déclarations n’ont rien fait connaître de particulier et n’ont fourni aucune lumière à l’enquête.
Le mystère du Madelon-Cinéma
L’enquête devient de plus en plus difficile
Les recherches concernant le crime du Madelon-Cinéma deviennent de plus en plus ardues, car, à mesure que l’on s’éloigne du jour où il a été commis, les témoignages s’estompent, se diluent dans l’imprécision.
Les inspecteurs continuent cependant, sans se décourager, leurs investigations. Leur labeur est considérable. Ils ont notamment à rechercher dix personnes exactement sur lesquelles ils n’ont que des indications assez vagues, mais qui leur ont été signalées comme pouvant être intéressantes à entendre. Ils avouent qu’ils ont à peu près, jusqu’ici, travaillé en pure perte. Pour mener à bien leur tâche, il leur faut maintenant escompter l’intervention du hasard, ce dieu des Policiers.
Le crime du Madelon-Cinéma
La police recherche un marchand de fleurs habitant la zone disparu depuis le 11 septembre
Nous avons exposé précédemment, dans tous leurs détails, les circonstances qui entourèrent la disparition d’une fillette du quartier de la porte d’Italie, la petite Suzanne Barbala, puis la découverte, sous la scène d’un cinéma populaire de l’avenue d’Italie — le « Madelon Cinéma » — des restes dépecés de la malheureuse enfant.
On sait comment, après avoir suivi de multiples pistes, on en vint à arrêter un des directeurs du « Madelon Cinéma », M. Jean Cuvillier. Mais celui-ci protesta énergiquement de son innocence. On le maintient néanmoins en état d’arrestation pour certains faits contraires à la morale dont il s’était rendu coupable à Reims en 1914 1914 , faits non encore couverts par la prescription.
Or, il y a quelque temps, le brigadier Rousselet, de la police judiciaire, qui était un des limiers chargés de cette affaire, a reçu une déclaration d’un témoin, laquelle, à défaut d’autre piste, méritait de retenir, l’attention.
Ce témoin se trouvait, dans la nuit du 9 au 10 septembre, vers 1 heure du matin, avenue d’Italie, lorsque la pluie l’obligea à se mettre à l’abri, tout près du Madelon Cinéma. Soudain, dans la demi-obscurité, il heurta un volumineux paquet qui dégageait une odeur de viande avariée. Le témoin crut qu’il s’agissait de quelque chien crevé et n’y porta pas attention.
Mais, quelques instants après, il vit, rasant les murs, un individu qui semblait inquiet. Il se dissimula alors derrière un arbre et aperçut bientôt le singulier noctambule qui cherchait à crocheter la grille de l’établissement cinématographique. Il faut croire qu’à ce moment le témoin en question fut aperçu par le « crocheteur » car ce dernier s’approcha de lui et, très poliment, lui demanda l’heure. Le témoin sortit très lentement sa montre, profitant de ce court instant pour examiner de plus près son interlocuteur. Il se souvint alors que déjà, à plusieurs reprises, il s’était trouvé en la présence de celui-ci, vendant des fleurs à la porte d’Italie on aux abords du cimetière d’Ivry.
Aussitôt qu’il fut en possession de son renseignement, le marchand de fleurs se retira et pénétra, avec son paquet, dans le Madelon Cinéma.
Lorsqu’ils furent en possession de ces renseignements, le brigadier Rousselet et l’inspecteur Hiquet se rendirent aux Halles. Ils apprirent que l’auteur présumé de l’assassinat venait s’approvisionner de fleurs tous les matins au moment où la cloche annonce la cessation du marché. Les actifs policiers apprirent en outre que, poussant devant lui sa voiturette chargée de fleurs, l’habitué des Halles prenait la direction de l’avenue d’Italie, s’engageait sur la route de Fontainebleau pour se perdre dans la zone après avoir pénétré par la porte de Choisy.
Pendant plusieurs jours le brigadier Rousselet et l’inspecteur Hiquet explorèrent cette zone, visitant presque toutes les baraques établies à cet endroit, mais leurs recherches restèrent infructueuses. Il faut dire que non seulement cette zone est peuplée de romanichels, de chiffonniers, mais qu’il y a là encore de véritables camps d’étrangers, Belges, Italiens, Polonais, etc., dont il fut impossible d’obtenir le moindre renseignement sur l’endroit où pouvait habiter le marchand de fleurs.
Une troublante disparition
Les policiers supposent avec quelque raison que le marchand de fleurs, qui, circonstance assez troublante, a disparu depuis le 11 septembre sans laisser de trace, a pu si toutefois c’est lui l’assassin rencontrer la petite Barbala aux environs de la route de Fontainebleau alors qu’elle se rendait chez sa grand’mère habitant Ivry et qu’il l’aura entraînée dans l’une des baraques installées sur la zone. Après avoir abusé d’elle, il l’aura tuée, puis découpée en morceaux. Puis, très embarrassai par ces débris humains, il les aura apportés petit petit au Madelon-Cinéma. Le paquet aperçu par le témoin devait contenir certainement quelques-uns de ces débris.
Quoi qu’il en soit, l’homme au paquet de viande avariée, comme l’appelle le témoin, a jugé prudent de changer de région.
Dans l’espoir qu’on le retrouvera un jour, la Police judiciaire en donne le signalement suivant aspect de romanichel, 35 ans environ, 1 m. 60 ou 1 m. 65, corpulence maigre, visage grêlé, cicatrice très apparente sur le côté gauche, de la joue qui donne à celle-ci l’aspect d’une pelure d’oignon sur laquelle la barbe ne pousse plus, cheveux châtain foncé, longs et abondants, barbe de même couleur mal rasée, veste en drap militaire kaki, pantalon de velours dont le bas des jambes est attaché avec des ficelles, casquette jockey. En résumé, tenue très sale.
Ce n’était pas l’assassin de la petite Barbala
Un employé de la Société des steeple-chases, M. P. demeurant à Sartrouville, signalait dernièrement au commissaire de police de Maisons-Laffitte qu’il avait aperçu dans là région un manœuvre travaillant à la ferme de Fromainville, près de Saint-Germain, dont le signalement lui paraissait correspondre à celui du jardinier d’Ivry, l’assassin présumé de la petite Barbala.
Le commissaire prévint, aussitôt la Sûreté générale. Deux brigadiers de la police judiciaire vinrent faire une enquête dans la région, et arrêter la ferme le journalier en question. On reconnut vite qu’il y avait erreur. L’ouvrier présentait bien certaines ressemblances avec l’assassin, mais il ne possédait pas de cicatrice à la joue gauche. Il fut aussitôt relâché.
M. Jean Cuvillier revient sur ses aveux
Le co-directeur du Madelon-Cinéma, où l’on trouva le cadavre découpé de la petite Barbala, M. Jean Cuvillier, inculpé uniquement pour des faits d’attentats à la pudeur commis à Reims en 1914 1914 , a été interrogé hier, par M. Bacquart, juge d’instruction, en présence de Me Poincelet.
Nouvelle attitude ! À présent, M. Jean Cuvillier nie énergiquement tous les faits du dossier.
On recherche en province l’assassin de la petite Barbala
Un peu partout et de temps en temps la police arrête certains marchands de fleurs dont le signalement correspondrait, d’assez près à celui qu’on soupçonne d’avoir assassiné la petite Barbala.
Hier encore, on arrêtait pour vagabondage un marchand de fleurs et il n’en fallait pas davantage pour qu’on reparlât de l’affaire du « Madelon-Cinéma ».
Or, la seule piste retenant actuellement l’attention de la police judiciaire, ce qui ne veut pas dire que ce soit la bonne, est suivie en province où se trouve le brigadier Rousselet, chargé d’enquêter sur ce drame.
L’ancien directeur du Madelon-Cinéma aux assises
Jean Cuvillier doit répondre des faits qui amenèrént son arrestation en 1914 1914
Il est condamné à quatre ans de prison
Devant la cour d’assises de la Seine comparaissait hier Jean Cuvillier, l’ancien directeur du Madelon-Cinéma, l’établissement de l’avenue d’Italie dans les dessous duquel, en septembre dernier, l’opérateur de Cuvillier découvrait le cadavre de la petite Suzanne Barbala, souillé et horriblement dépecé.
Cuvillier ayant exercé longtemps la profession de charcutier avant de se vouer à la belle vie des films à épisodes, et, d’autre part, sa réputation n’étant pas des meilleures, les soupçons de la police se portèrent sur lui...
Amené devant le juge d’instruction Bâtard, le charcutier cinéaste protesta hautement de son innocence. Or, si l’on ne put le convaincre de la souillure et du sadique découpage de la petite Barbala, le directeur du Madelon-Cinéma, originaire de Reims, fut reconnu pour fauteur indiscutable d’un attentat à la pudeur commis en 1914 1914 , dans sa ville natale.
C’est donc de ce crime, vieux de dix ans, qu’on croyait oublié, que Jean Cuvillier, satyre qualifié s’il n’est pas un assassin certain, avait à répondre hier, ainsi que ses complices Clément Philippoteaux et la veuve Marie Lefèvre, qu’assistaient Mes Poncelet. Breuil et Mennesson-Dupont.
Lourdaud, le teint cireux, les joues pleines barrées d’une grosse moustache noire, l’ancien tueur de porcs, devenu manager, écoute la lecture de l’arrêt de renvoi sans rien donner à deviner sur sa face morne ou dans ses yeux qu’abritent des lunettes d’écaille, La salle est maigrement garnie, car on avait pu prévoir ce qui s’est produit.
Après une demi-heure d’audience, à la requête de M. Mancel, avocat général, M. le président Gilbert ordonne le huis clos.
Jean Cuvillier, rétractant les aveux formels qu’il avait faits au début de l’instruction, a déclaré ne plus se souvenir exactement des faits pour lesquels il comparaissait devant le jury.
Après une très longue délibération des jurés, la cour a condamné l’ancien directeur du Madelon-Cinéma à quatre ans de prison ; la femme Lefèvre à deux ans de prison avec sursis. Philippoteaux a été acquitté.
Des crimes dont leurs auteurs ont échappé à la justice
Suzanne Barbala
Démasquera-t-on un jour l’assassin de la petite Suzanne Barbala, cette pauvre fillette de onze ans qui habitait le boulevard de Port-Royal, à Paris, disparue le vendredi 1er septembre 1922 1922 , vers 15 heures, durant le trajet qu’elle devait suivre pour se rendre de l’avenue d’Italie à la rue des Plantes, à Ivry, et dont le cadavre coupé en morceaux fut découvert presque un mois plus tard, en complet état de putréfaction, sous la scène du cinéma « Madelon » ?