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Emma Churchman Hewitt : Le vieux violoniste

mardi 7 mars 2023, par Denis Blaizot

Auteur : Emma Churchman Hewitt

Titre : Le vieux violoniste

Titre original : The Old Violonist (Short Stories — 1891 1891 )

Publiée dans une rubrique intitulée « Etchings », Eaux fortes. Et ici, c’est justifié.


Le chœur vient de se terminer et le chef d’orchestre a reçu les applaudissements d’un public enthousiaste.

Dans les coulisses, un vieil homme un peu courbé attend, ses cheveux argentés tombant sur son violon tandis qu’il lui murmure des mots d’amour.

Enfin ! Enfin, on va l’entendre en solo !

Qu’importent toutes ces années épuisantes sans reconnaissance ? Il sera entendu ! Qu’importe que ce ne soit qu’un concert de charité et qu’il ait offert ses services ? Il sera entendu ! et l’appréciation du public témoignera de son génie.

Mais attention !

Il y a eu une erreur !

C’était son numéro, pas le solo de ténor !

Tant pis, c’est bon ! Qu’importent quelques instants de plus ou de moins, quand on est à même de réaliser le désir de son âme ?

Alors il s’assied et écoute, le cœur battant fort d’une excitation réprimée mais dévorante.

Enfin ! Enfin !

Mais qu’est-ce que c’est ?

Le public s’en va.

Pourquoi n’a-t-il pas encore joué ?

Il regarde autour de lui d’un air hébété. Moritz va lui expliquer, se dit-il avec lassitude, Moritz comprend toujours tout, et il pose sa tête sur la table à côté de lui.

* * * * * *

Un jeune homme se précipite parmi les musiciens de l’orchestre, le visage pâle et les dents serrées, en pensant à l’homme déçu qui se trouve dans les coulisses. Il pense que son père pleure sur sa déception. « Père », s’écrie-t-il, un sanglot dans la voix, « tout va bien, tout va s’arranger ! Il y a eu tellement de rappels, vous voyez qu’il n’y a pas eu le temps pour tous. Le directeur ne savait pas et il a laissé de côté ce qu’il ne fallait pas. Mais vous jouerez demain soir, père, alors tout ira bien, vous voyez », et il sourit en soulevant le cher vieux visage, comme il l’aurait fait pour un enfant. Sur les joues sillonnées, il n’y a pas de larmes, mais sur le visage, ciselé par la main sévère de la mort... un regard de surprise douloureuse... une déception déconcertante... le cœur du vieil homme est brisé.