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A. Merritt : À propos des Habitants du mirage

mardi 8 juillet 2025, par Denis Blaizot

Première publication dans Argosy, 6 février 1932 1932

J’ai lu une lettre dans Argosy exprimant des doutes quant à l’exactitude scientifique de tel ou tel élément de mes récits. De temps à autre, je lis des lettres de personnes qui disent tout simplement et franchement ne pas les aimer. Avec ces derniers, je n’ai pas le moindre problème. Si quelqu’un n’aime pas quelque chose, je ne vois absolument pas pourquoi il ne le dirait pas. Comme le dit le vieux dicton : « Certains aiment leur pudding chaud, d’autres froid ; d’autres encore dans le pot, neuf jours après. » Dieu sait que chacun a le droit de choisir son pudding, n’en déplaise aux prohibitionnistes. Je choisis le mien.

Mais je suis un peu sensible aux critiques sur mon exactitude scientifique.

J’écris uniquement pour me faire plaisir ce que je veux et quand je veux. Honnêtement, je ne me demande pas si ce que j’écris plaira aux autres. Ce n’est pas du grand art. Je ne peux tout simplement pas écrire autrement. Je sais que certains apprécieront ce que j’écris. Et je m’attache à ces âmes inconnues mais sympathiques. Je sais que ce sont des gens avec qui j’aimerais parler et qui prendraient probablement plaisir à discuter avec moi. Quant aux autres, eh bien, il y a un tas de gens tout à fait honorables qui n’apprécieraient absolument pas de me parler et qui me laisseraient de marbre si je les rencontrais. Mais si je devais réfléchir à chaque phrase ou idée – Est-ce qu’ils aimeront ça ou non ? – je ne pourrais rien écrire. Alors j’écris ce que j’aime, et quand je lis que quelqu’un apprécie aussi, je me dis : « Je suis sacrément content ». Et quand ils écrivent qu’ils ne l’apprécient pas, je dis : « Eh bien, tant pis ? » Et c’est tout.

Mais quant à l’exactitude ! La Mère Serpent a suscité des critiques. Certains l’ont même qualifié de conte de fées. C’était plutôt amusant, car, par exemple, si tous les romanciers et dramaturges qui ont réécrit Cendrillon pouvaient être mis côte à côte, ils atteindraient la lune et en reviendraient. Et toute histoire soi-disant réaliste trouve son pendant chez Grimm et Hans Andersen. Cependant, il n’y a pas une seule affirmation scientifique dans La Mère Serpent qui ne soit étayée. Si quelqu’un, même à ce stade tardif, souhaite poser une question à ce sujet, je serai ravi de lui répondre.

Et maintenant, pour le bénéfice de ceux qui pourraient s’interroger, ou de mes amis qui pourraient être interrogés sur l’exactitude du cadre scientifique des Habitants du Mirage, je voudrais dire qu’il est tout à fait solide.

La plupart des critiques, s’il y en a, seront probablement dirigées contre l’idée du Petit Peuple. Je les renvoie au dix-neuvième rapport du Bureau d’ethnologie américaine, dirigé par J.W. Powell. On y trouve un récit exhaustif des légendes des Yun’wi Tsundi’, ou race naine que les Cherokees ont rencontrées lors de leur arrivée au Nouveau Monde depuis l’Asie. Il inclut des preuves de l’occupation de certaines parties du Tennessee par le Petit Peuple jusqu’à l’après-guerre de Sécession. Un enquêteur très compétent, M. James Mooney, fait autorité en la matière.

J’attire particulièrement l’attention de ceux qui sont suffisamment intéressés pour lire ce rapport sur l’importance du simple récit de la visite d’un groupe de chasseurs Cherokees à une tribu déchue du Petit Peuple en Floride, et sur sa remarquable ressemblance avec l’histoire d’Hérodote concernant les cigognes et les pygmées. Ce n’est certainement pas le genre d’histoire que les missionnaires bigots, ou devrais-je dire les missionnaires, auraient racontée aux Indiens. Elle doit donc être antérieure à l’arrivée de la peste blanche en Amérique.

Quant au Kraken, j’ai moi-même vu son symbole gravé sur les sommets des Andes par des mains mortes il y a des milliers d’années, et j’ai écouté des Indiens me parler du destructeur de la vie.

Au sujet de la personnalité alternée, lisez le livre du Dr J. Morton Prince : «  Dissociation d’une personnalité » et voyez à quel point j’ai été conservateur.

La vallée de l’Alaska ? Personne ne sait à quel point j’ai été surpris en lisant en première page du New York Times, en octobre dernier, la découverte d’une vallée tropicale dans cette localité où l’été régnait même par moins quarante degrés !

Assez d’explications. J’espère que vos lecteurs apprécieront ce récit. Ceux qui ne l’apprécieront pas trouveront leur bonheur dans les autres pages de votre excellent magazine.

Très sincèrement,

A. Merritt A. Merritt